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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Tourisme : recherches, institutions, pratiques

  • Nadège Chabloz, ingénieure d'études à l'EHESS ( IMAF )
  • Saskia Cousin, maître de conférences à l'Université Paris-Descartes ( IIAC-LAIOS )
  • Anne Doquet, chargé de recherche à l'IRD ( IMAF )

    Cet enseignant est référent pour cette UE

  • Mélissa Elbez, doctorante à l'EHESS ( IRIS )
  • Sebastien Jacquot, maître de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ( Hors EHESS )

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

2e et 4e jeudis du mois de 17 h à 20 h (Université Paris-Descartes, 45 rue des Saints-Pères 75006 Paris), du 11 octobre 2018 au 13 décembre 2018

Pour sa quatorzième saison, le séminaire continuera à confronter les catégories, les pratiques et les imaginaires associés à des champs le plus souvent dissociés voir opposés : les mobilités dite « de loisirs », et celles qui seraient motivées par une contrainte économique, politique ou sociale – les migrations. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux pratiques qui se situent dans un entre-deux : que faire du rôle initiatique du voyage pour les jeunes adultes ? Comment classer les circulations aventurières des jeunes ouest-africains ou les migrations des retraités français en Afrique ? Quels images et quels imaginaires de l’altérité et de l’entre-soi, de l’ailleurs, de l’exotisme et du temporaire se produisent à travers des réseaux comme hôtel du Nord ou Singa ? Du code du tourisme à la politique des visas, comment les États et les industries du contrôle organisent-ils l’étanchéité des catégories ? De la tente « 2 secondes » aux plateformes d’accueil, quelles sont les échanges, les cultures matérielles, les habitacles et les habitudes qui circulent d’une pratique l’autre ? L’enjeu n’est pas de juxtaposer les enquêtes sur le tourisme ou les migrations, mais d’observer les espaces, les pratiques et les enjeux des entre-deux, dans leurs ambivalences et leurs complexités, sans minorer les rapports de domination économique et (géo)politique à l’œuvre. Un accent sera mis dans ce sens cette année sur la question du travail en tourisme

Aires culturelles : Transnational/transfrontières,

Suivi et validation pour le master : Mensuel annuel/bimensuel semestriel (12 h = 3 ECTS)

Mentions & spécialités :

Intitulés généraux :

Centre : IMAF - Institut des mondes africains

Direction de travaux d'étudiants :

suivi des travaux de master ou doctorat sur rendez-vous avec les enseignants-chercheurs.

Réception :

sur rendez-vous.

Niveau requis :

master 1.

Adresse(s) électronique(s) de contact : annedoquet(at)yahoo.fr, saskiacousin(at)free.fr, nchabloz(at)ehess.fr, sebastien.jacquot(at)univ-paris1.fr

Compte rendu

Pour sa saison quatorze, le séminaire a poursuivi sa réflexion sur les catégories, les pratiques et les imaginaires associés à des champs le plus souvent dissociés, voire opposés : les mobilités dites « de loisir », et celles qui seraient motivées par une contrainte économique, politique ou sociale – les migrations. Nous nous sommes plus particulièrement intéressés aux pratiques qui se situent dans un entre-deux, en mettant cette année l’accent sur la question du travail en contexte touristique.

Deux interventions ont directement lié la question touristique à celle du travail. Lucas Bento de Carvalho a présenté ses recherches sur la pratique du WWOOFing, qui séduit chaque année en France plusieurs milliers de volontaires venus découvrir et apprendre les techniques de l’agriculture biologique, même si son essor suscite des réactions contrastées au sein du monde agricole. Tandis que les défenseurs du mouvement mettent en avant la dimension écologique et humaine de ce « retour à la terre », certains professionnels émettent de sérieux doutes quant à la légalité d’une pratique dépourvue de cadre légal, en particulier au regard du droit du travail. L’analyse des aspects juridiques du WWOOFing a pourtant démontré que ce mode d’échange ne constitue pas une énième stratégie d’évitement de la législation travailliste. Dans la continuité de la problématique de la législation du travail, Brenda Le Bigot a présenté son projet de recherche sur les visas Vacances-Travail. Tandis que des dispositifs de contrôle migratoire bloquent les mouvements de migrants « non-désirés », d’autres migrants, eux « désirés », sont incités à la mobilité par d’autres dispositifs, tels que les visas Vacances-Travail. Ces visas reposent sur des accords bilatéraux proposant aux moins de 30 ans, résidents de pays développés, de séjourner un an dans un autre pays avec la possibilité d’y travailler dans un secteur en manque de main-d’œuvre. Alors que 162 000 jeunes étaient accueillis en Australie en 2012 à travers ce dispositif, les chercheurs australiens considèrent que ces programmes, sous couvert d’un lexique de l’expérience et du tourisme, relèvent en fait largement d’une politique de libéralisation du marché de l’emploi et d’une sélection migratoire, permettant de se passer en partie des travailleurs immigrés du Pacifique. Sur la base de cet exemple australien et de quelques autres exemples, la présentation a mis en discussion le cadrage problématique et méthodologique qui sous-tend ce projet ainsi que les premières observations récoltées.

La question des frontières travail/tourisme et tourisme/migration s’est ensuite poursuivie avec une interrogation sur l’après-tourisme, portée par deux communications. Pour Niels Martin, après l’ère du tourisme de masse, les frontières installées entre « habiter » et « tourisme » se fissurent de toutes parts. Les lieux touristiques attirent un nombre croissant de nouveaux habitants qui rêvent de vivre toute l’année dans une ambiance de vacances et un environnement privilégié. Ce phénomène de migrations d’agrément revêt différentes formes, et s’offre à deux focales de lecture : un paradigme individuel par lequel on s’intéresse aux projets migratoires des individus, et un paradigme territorial où l’angle d’attaque sera ce que « font » les migrations d’agrément aux territoires ruraux et montagnards. Mélissa Elbez a de son côté présenté son travail sur Tulum, une destination écotouristique sur la côte caraïbe mexicaine dotée d’un site archéologique maya et prisée par les amateurs de spiritualité New Age. Peuplée majoritairement de migrants nationaux et internationaux, elle dispose d’une importante « population flottante » qui mène un mode de vie mobile : travailleurs saisonniers, artisans nomades, habitués qui partagent leur année entre Tulum et leur pays natal, etc. En outre, un nombre non négligeable d’habitants ont d’abord connu Tulum en tant que touristes, tandis que d’autres ont fait l’expérience du tourisme suite à des rencontres faites sur place. La communication a porté sur la position ambivalente de cette catégorie de la population, qui oscille entre marginalisation sociale et position centrale de référent identitaire.

Deux autres interventions ont ensuite abordé la question de la mobilité au sein des pratiques touristiques. Olivier Evrard a analysé les dynamiques d’intégration et de marginalisation dans l’économie touristique à partir du cas du trekking chez les minorités en Thaïlande. Après avoir montré la très grande concentration géographique et économique ainsi que les inégalités et les contradictions qui en définissent les dynamiques, il a analysé les différents types de trajectoires pour les villages d’accueil, trajectoires liées en partie aux caractéristiques sociales des communautés et en partie au rôle moteur d’entrepreneurs ethniques. C’est ensuite à travers le phénomène New Travellers au Royaume-Uni, une évolution contemporaine de la contre-culture britannique, que la question de la mobilité dans le tourisme s’est poursuivie. Marcelo Frediani a montré en quoi la communauté des voyageurs et leur mode de vie nomade sont des protestations contre les attitudes consommatrices de la société dominante, soutenant que la structure complexe des « forces » qui mènent à la fondation de ces communautés doit être interprétée en utilisant le concept marxiste des « besoins radicaux ». Puis ce sont les mobilités dans un cadre informel qu’a abordé Elieth Eyebiyi, en présentant son travail sur la contrebande du carburant dans les espaces frontaliers ouest africains et l’analyse des stratégies par lesquelles ces acteurs font de l’espace frontalier le siège de dynamiques territoriales, économiques et politiques structurées par les mobilités et configurées par la mondialisation.

Le dernier thème qui a nourri le séminaire, aux côtés d’une réflexion sur les frontières entre les mobilités du tourisme ou du post-tourisme et la migration, est celui du tourisme de la migration, à travers l’intervention d’Emilie Delage consacrée aux visites des campements d’exilés dans le nord de la France. Ceux-ci ont fait l’objet de différents moments de médiatisation, correspondant à des séquences d’actualité autour de « crises migratoires » : surpopulation, bidonvilles. Ces campements sont par ailleurs devenus des lieux d’intervention humanitaire de la part de différents types d’acteurs : associations de différents pays, et associations locales, ONG internationales. L’analyse a porté sur les stratégies de visite des campements et des bidonvilles mises en œuvre dans ce contexte d’intervention humanitaire et de développement de formes de « tourisme humanitaire ».

L’enjeu du séminaire, qui cette année n’était pas de juxtaposer les enquêtes sur le tourisme ou les migrations, a été atteint grâce à ces présentations de situations diversifiées qui nous ont permis d’observer les espaces, les pratiques et les enjeux des entre-deux, dans leurs ambivalences et leurs complexités, sans minorer les rapports de domination économique et (géo)politique à l’œuvre.

 

Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 31 juillet 2018.

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