Logo EHESS

baobab
Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Les limites de Paris : consistance sociale et enjeu de pouvoir (XIXe-XXe siècles)

  • Isabelle Backouche, directrice d'études de l'EHESS (TH) ( CRH-RHiSoP )

    Cet enseignant est référent pour cette UE

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

2e et 4e mardis du mois de 17 h à 19 h (salle 1, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 13 novembre 2018 au 11 juin 2019. Pas de séance le 11 décembre 2018 ni le 26 février 2019

Paris est une capitale relativement modeste du point de vue spatial, et la tension entre la crainte de l’extension et l’ambition d’organiser l’expansion est constitutive de son histoire. L’observation de ces moments de tension, et des conditions de l’accord ou du désaccord, permet d’articuler plusieurs dimensions de la capitale : une ville peuplée d’habitants qui défendent leurs intérêts, des pouvoirs non strictement urbains (préfecture de la Seine, Armée) qui veillent sur les destinées de la capitale, des décisions qui actent des conditions de la croissance spatiale de Paris.

Partant de l’analyse spécifique de la Zone, territoire limitrophe de la capitale, appartenant aux communes riveraines jusqu’en 1919, le séminaire portera plus particulièrement cette année sur les archives et leur usage pour mettre en œuvre une histoire sociale qui restitue la diversité sociologique de cet espace urbain. Ce sera l’occasion d’aborder des questions méthodologiques propres au travail de l’historien.

Récusant les perspectives globalisante (la Zone est hétérogène) et culturaliste (l’assignation de sa population à un statut dépréciatif), on privilégiera les sources juridiques et réglementaires permettant d’instruire à nouveaux frais ce dossier. Les archives liées à l’expropriation et l’expulsion des Zoniers à partir des années 1920 dévoilent la riche palette des statuts fonciers et l’architecture d’une société organisée à côté du droit.

Cette approche des limites de la ville, et de leur épaisseur sociale et temporelle, sera posée sur d’autres terrains, français ou étrangers. Elle permet d’ouvrir sur des questions plus vastes comme le rapport au local des populations, la gestion des populations à partir du contrôle de l’espace, l’inventivité de la société face au flou juridique.

Aires culturelles : Europe, France,

Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations de l'Europe

Intitulés généraux :

  • Isabelle Backouche- Histoire urbaine. Les territoires d'une capitale, XIXe-XXe siècles
  • Renseignements :

    le séminaire est ouvert à tout étudiant, de l'EHESS ou d'une autre université, intéressé par l'histoire urbaine. Le séminaire adopte une perspective résolument historienne mais le dialogue avec les sujets d'étudiants travaillant dans d'autres disciplines est encouragé. 

    Direction de travaux d'étudiants :

    la demande d'encadrement en master ou en thèse se fait par courriel, avec à l'appui un projet plus ou moins développé selon le niveau demandé. 

    Réception :

    réception sur rendez-vous après contact par courriel.

    Site web : http://crh.ehess.fr/index.php?99

    Adresse(s) électronique(s) de contact : isabelle.backouche(at)ehess.fr

    Compte rendu

    Le séminaire inscrit dans le cadre de ma chaire d’histoire urbaine « Les territoires d’une capitale (XIXe-XXe siècle) » a porté presque exclusivement sur une enquête en cours. La construction d’une fortification autour de Paris en 1841 a généré une zone non aedificandi qui s’est malgré tout construite et peuplée, et a perduré pendant plus d’un siècle autour de la capitale. Vivre dans la Zone, une ceinture de 250 mètres de large tout autour de Paris, constitue donc sur une infraction, et cette prétendue illégalité a entaché la réputation de ses habitants. Entretenue par la presse et la littérature, cette sulfureuse réputation a nourri également des recherches focalisées sur la vie de marginaux installés aux marges de la ville.

    À rebours de cette construction historiographique, le séminaire a été l’occasion de présenter une enquête d’histoire sociale fondée sur les volumineux dossiers d’archives constitués au moment de l’expulsion à partir de 1919, au moment où la Zone est annexée à Paris. Il s’agissait d’incorporer les habitants de la Zone dans les classes populaires de la capitale, et de déconstruire l’adéquation entre statut de cet espace urbain et statut de ses habitants. Loin de n’être qu’un monde d’apaches, de chiffonniers et de proxénètes, la Zone abrite le Paris populaire qui peine à se loger dans la capitale, et les requêtes de ses habitants au moment de leur expulsion manifestent leur attachement à leur espace de vie, leur souci de soi et la volonté de ne pas être assimilés aux « classes dangereuses ». La formidable durée de vie de la Zone, et les peurs qui y étaient attachées, ont été vaincu par le régime de Vichy qui a porté le coup déterminant pour l’éradiquer, instrumentalisant la peur de l’étranger et de l’autre dans la lignée de l’idéologie xénophobe et antisémite mise en place à partir de 1940. Et après avoir envisagé d’aménager une ceinture verte à sa place dans les années 1920, la construction du périphérique dans les années 1950 a définitivement fait disparaître toutes traces de cette vie urbaine. Fait rare en histoire urbaine, il s’agit de restituer les vestiges d’une ville de plus de 40 000 habitants au-delà des fantasmes qu’elle a pu susciter.

    Les étudiants ont bénéficié de présentation de travaux à propos de la Zone, depuis le travail pionnier de Madeleine Leveau-Fernandez jusqu’à la thèse récente d’Anne Granier. Jaap Evert Abrahamse et Heidi Deneweth (FWO – Research Foundation Flanders / Vrije Universiteit Brussel – HOST  Recherches historiques des transformations urbaines, Belgique) nous ont offert l’occasion d’une comparaison avec Amsterdam au xviie siècle. Et Bérengère de l’Épine, responsable du département des Photographies à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, nous a accueillis pour une présentation des photographies de la Zone conservées dans cette institution.

    Publications

    • La ville est à nous. Aménagement urbain et mobilisations sociales depuis le Moyen-Âge (collectif), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2018.
    • Paris au fil de la Seine dévoilé, Les carnets des Guides bleus, Hachette, 2018.
    • « Mobilisations urbaines et histoire des vainqueurs. Le cas de l’axe nord-sud à Paris (1959-1976) », dans La ville est à nous. Aménagement urbain et mobilisations sociales depuis le Moyen-Âge (collectif), op. cit., p. 263-284.
    • « La Zone et les zoniers parisiens. Un territoire habité, un espace stigmatisé », Genres urbains. Autour d’Annie Fourcaut, Paris, Créaphis, 2019.
    • Conception scientifique d’un podcast sur le bâtiment Aux Classes Laborieuses (85 rue du fbg Saint-Martin), un grand magasin pour les Parisiens modestes né au XIXe siècle (partenariat avec leboncoin qui y est installé aujourd’hui), https://passe-ici.fr/saisons/aux-classes-laborieuses-linvention-du-commerce-populaire/aux-classes-laborieuses

     

    Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 27 novembre 2018.

    Contact : service des enseignements ✉ sg12@ehess.fr ☎ 01 49 54 23 17 ou 01 49 54 23 28
    Réalisation : Direction des Systèmes d'Information
    [Accès réservé]