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Expériences des débuts du communisme en Chine (années 1950-1960) : enquêtes historiques et anthropologiques

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

3e vendredi du mois de 15 h à 18 h (salle A07_51, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 16 novembre 2018 au 21 juin 2019

L’historiographie des décennies maoïstes connaît depuis une dizaine d’années d’importants renouvellements. Tout en s’inscrivant dans la dynamique de ces travaux récents, ce séminaire interdisciplinaire entend contribuer, à partir d’enquêtes de sciences sociales en cours, à la compréhension d’expériences individuelles ou collectives de cette période.

Le séminaire poursuivra cette année sa réflexion collective sur les événements et les tournants qui ont affecté la vie d’individus ou de communautés, en milieux rural dans le nord-est du Plateau tibétain (Gansu méridional, Qinghai) et urbain (Pékin, Shanghai, Hangzhou, Lanzhou), à partir du début des années 1950 et dont on perçoit encore les traces aujourd’hui. Les enquêtes, menées dans des espaces géographiques et des milieux sociaux variés, visent à comprendre comment les événements ont été perçus, évalués, ressentis, par les acteurs en fonction de leurs expériences et de leurs horizons d’attente. Comment une situation qualifiée d’inhabituelle, d’exceptionnelle ou radicalement incomprise, finit-elle par s’imposer, devenir familière et à quel prix ?

Une attention particulière sera accordée aux matériaux mobilisés, à leur nature (journaux personnels, archives, récits autobiographiques, rapports d’enquête, entretiens), à la manière dont ils sont écrits, à ce qu’ils donnent à voir et comment, et au public qu’ils visent. Ainsi, le séminaire prolongera la discussion sur les défis méthodologiques et analytiques que ces matériaux lancent au chercheur.

Aires culturelles : Asie, Chine,

Suivi et validation pour le master : Mensuel annuel/bimensuel semestriel (8x3 h = 24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations de l'Asie

Intitulés généraux :

  • Marie-Paule Hille- Histoire et anthropologie du monde musulman chinois. Aspects politiques, religieux et économiques, XIXe-XXIe siècle
  • Renseignements :

    CECMC, bur. A733, 54 bd Raspail 75006 Paris, tél. : +33 (0)1 49 54 20 90.

    Direction de travaux d'étudiants :

    contacter l'enseignante par courriel.

    Réception :

    sur rendez-vous auprès de l'enseignante par courriel.

    Niveau requis :

    séminaire ouvert à tous. La connaissance du chinois est souhaitée mais non requise pour suivre le séminaire.

    Site web : http://cecmc.ehess.fr/

    Adresse(s) électronique(s) de contact : marie-paule.hille(at)ehess.fr, christine.vidal(at)univ-lille.fr, xenia.deheering(at)gmail.com

    Compte rendu

    Le séminaire s’est déroulé en huit séances de trois heures du 16 novembre 2017 au 21 juin 2018. À travers un exposé des travaux de recherche en cours à partir d’une diversité de matériaux (journaux personnels, écrits académiques, récits autobiographiques, lettres, rapports d’enquête, entretiens, extraits de blogs), ces huit séances ont permis d’approfondir certains thèmes, identifiés l’année précédente, et d’en faire émerger de nouveaux.

    Mises en regard critique des matériaux : question de contextualisation
    La première année du séminaire (2017-2018) avait déjà montré la difficulté de saisir nos sources dans leur matérialité et leur histoire propre. La méthode de l’enquête sur les documents, centrée sur l’analyse de leur production et usages successifs, a été conservée en tant qu’indispensable à leur contextualisation, mais aussi au repérage des limites de cette opération. Nous avons donc, cette année, également mis l’accent sur une manière complémentaire d’interroger ces sources qui constituent le cœur de notre corpus, en les faisant dialoguer avec d’autres types de documents. Ainsi, Christine Vidal s’est livrée à une mise en regard des différents écrits de Song Yunbin (années 1949-1957) – éditeur, essayiste, historien, historiographe – en confrontant ses écrits et son journal personnel de la même période. Les lectures croisées des différents types de documents permettent non seulement de faire le lien entre ce que SYB dit écrire dans son journal et les documents effectivement écrits (lettres, articles) mais aussi de contextualiser au mieux les différents matériaux grâce à la confrontation des textes. Dans une logique similaire, l’enjeu de l’élaboration d’une contextualisation pertinente des sources utilisées par le chercheur se retrouve dans les travaux de Xénia de Heering, qui cette année s’est concentrée sur un corpus de lettres pour éclairer les accents de vérité attribués par les lecteurs au récit autobiographique Joies et peines de l’enfant Naktsang (2007). Elle a ainsi montré que des éléments de contextualisation pouvaient être trouvés dans un ensemble d’écrits « périphériques » pour mieux insérer ce récit d’une enfance tibétaine dans les années 1950 dans une perspective historique. L’analyse de publications ultérieures rassemblant à première vue des écrits hétéroclites permet de mieux comprendre les visées et les réceptions attendues de ces écrits, pour décrire les manières dont, dans différentes situations, ces acteurs ont tenté et souvent réussi, dans un environnement contraint, à agir par l’écrit. Marie-Paule Hille s’est intéressée à cette question en travaillant sur les contenus de rapports d’enquêtes ayant eu lieu au début des années 1950 pendant la Réforme agraire, en portant une attention particulière au paratexte inséré dans une édition ultérieure de ces documents, ainsi qu’en exploitant les entretiens menés avec l’auteur de ces enquêtes pour mieux restituer la difficulté et les résistances qu’elles ont suscitées. Dans nos différentes enquêtes, une attention constante est portée aux acteurs et aux compétences qu’ils déploient en situation, analysés à la lumière de leurs biographies.

    Langage et description de la réalité sociale
    La question du langage, déjà abordée l’année précédente, est devenue centrale dans nos échanges et s’est déclinée de plusieurs façons tant du point de vue des terminologies utilisées dans les sources que de celui de leur usage dans un contexte historique particulier. Nous avons été attentives à la façon dont un mot peut charrier un concept ou une référence à des pratiques sociales, culturelles, intellectuelles bien situées historiquement. Nous ne citerons ici que trois exemples reflétant la teneur de nos discussions. Christine Vidal a retracé les discussions des acteurs qui ont porté sur l’importance du zawen 杂文, une forme d’écriture oblique, souvent satirique, dans laquelle Lu Xun est passé maître dans les années 1920-1930. Alors que certains prennent position en disant que le zawen a perdu de son utilité car il n’y a plus rien à critiquer, d’autres, dont SYB, pensent que le zawen doit encore avoir droit de cité car il constitue un droit à la critique. Ici le terme zawen recouvre bien plus qu’un simple style littéraire, il permet l’expression de doutes ou désaccords, notamment par rapport à ce que le discours officiel présente comme des vérités intangibles. Dans une autre perspective, Xénia de Heering s’est intéressée aux différents mots rattachés aux idées de vérité, justice, justesse, authenticité, en les considérant chacun dans leur contexte d’énonciation à partir du corpus des lettres adressées à l’auteur de Joies et Peines. Nous avons pu percevoir que ces notions étaient attachées à un ensemble d’opérations d’évaluation liées chacune à un domaine de pertinence spécifique (art de la description, authenticité, expérience vécue, etc.). Lors de l’exposé de Marie-Paule Hille, une perplexité commune a émergé concernant l’usage à une période aussi précoce (1950-1952) du terme « réforme démocratique » dans les sources datées de cette période. La discussion a souligné l’importance de retracer l’usage de ces termes moins attendus pour cette période afin de mieux comprendre l’usage plus général qui en sera fait par la suite. Nos différents travaux confirment ainsi l’importance de combiner systématiquement plusieurs échelles d’analyse, afin de considérer les usages linguistiques observables dans chaque source comme étant toujours insérés dans un réseau intertextuel constituant un corpus dont l’analyse permet d’étudier la variation des usages de façon à la fois synchronique et diachronique.
     

    Les expériences du passé comme point d’éclairage des sources
    Cette année, peut-être plus que l’année précédente, nous avons mieux travaillé sur la façon dont les expériences vécues par le passé orientent le rapport entre les individus et affinent leur capacité de jugement. Christine Vidal a ainsi montré comment SYB critique dans son journal le comportement de certains jeunes gens, tout comme il en vient à manifester une forme de lucidité qui relie le passé à l’avenir : « C’est une belle pièce, j’en profite, ce sera de plus en plus rare », dit-il, alors qu’il exerce son métier d’éditeur. Xénia de Heering a montré comment le partage d’expériences du passé faisait émerger un public, avec ses attentes et son imagination allant jusqu’à espérer la remise du Prix Nobel à l’auteur du récit autobiographique. Des espoirs ancrés dans une réalité qui laisse entrevoir des champs du possible insoupçonnés mais surtout qui, à partir du moment où on les prend au sérieux, montrent comment les acteurs font le lien entre le proche et le lointain pour s’exprimer et agir sur leur environnement immédiat. Marie-Paule Hille a montré que l’envoi de l’enquêteur Ma Tong au sein du Xidaotang ne reposait pas sur une décision arbitraire et verticale mais bien de relations sociales datant d’une période antérieure où Ma Tong, collégien, s’était lié d’amitié avec un membre éminent du Xidaotang.

     

    Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 24 juillet 2018.

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