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Le culte des saints en Chine (islam et taoïsme) : approches historique et anthropologique. 2

  • Marie-Paule Hille, maître de conférences de l'EHESS ( CCJ-CECMC )

    Cet enseignant est référent pour cette UE

  • Huayan Wang, postdoctorante ( CCJ-CECMC, Hors EHESS )

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

2e mardi du mois de 14 h à 17 h (salle 07_51, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 13 novembre 2018 au 11 juin 2019

Pour sa deuxième année, le séminaire poursuivra la réflexion sur le culte des saints en Chine en s’intéressant aux lieux de leur manifestation qu’ils soient saints, sacrés ou cultuels. À partir de textes hagiographiques, de documents issus des institutions religieuses et étatiques, de matériaux recueillis lors de nos enquêtes ethnographiques, nous essaierons de comprendre les expériences religieuses, politiques, économiques liées à la transformation de ces lieux dans différents contextes historiques allant de la fin de l’époque impériale à la période contemporaine.

Dans une perspective comparatiste, nous porterons une attention particulière au devenir de ces lieux taoïstes et islamiques face aux mouvements de réforme modernistes de la fin du XIXe siècle et de la période républicaine. Pour la période contemporaine, nous analyserons les phénomènes de reconstruction, de patrimonialisation et de sanctuarisation de ces différents lieux au Gansu, au Huabei et au Yunnan. Cette approche historique et anthropologique, sur la longue durée, permettra de mieux saisir la relation que les croyants entretiennent avec ces différents lieux, les ressources financières qu’ils génèrent et leur processus de légitimation religieuse et politique avant et après la période maoïste.

Aires culturelles : Asie, Chine,

Suivi et validation pour le master : Mensuel annuel/bimensuel semestriel (8x3 h = 24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Domaine de l'affiche : Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie

Intitulés généraux :

  • Marie-Paule Hille- Histoire et anthropologie du monde musulman chinois. Aspects politiques, religieux et économiques, XIXe-XXIe siècle
  • Renseignements :

    CECMC, bur. A7_33, 54 bd Raspail 75006 Paris, tél. : +33 (0)1 49 54 20 90

    Direction de travaux d'étudiants :

    contacter l'enseignante par courriel

    Réception :

    sur rendez-vous auprès de l'enseignante par courriel

    Niveau requis :

    séminaire ouvert à tous. La connaissance du chinois est souhaitée mais non requise pour suivre le séminaire

    Site web : http://cecmc.ehess.fr/

    Adresse(s) électronique(s) de contact : marie-paule.hille(at)ehess.fr, huwang9715(at)gmail.com

    Compte rendu

    Les notions de territoire, d’espace et d’agencement d’un lieu ont constitué, pour cette seconde année, la ligne motrice de notre réflexion pour étudier le culte des saints en gardant une perspective comparatiste entre traditions islamique et taoïste.

    L’étude de la diffusion du culte de Cui Fujun, notamment au Yunnan au XIVe siècle, a permis de considérer le rôle spécifique que la construction d’un temple peut jouer pour servir une logique d’appropriation d’un territoire. L’implantation d’un lieu sacré sur un territoire nouvellement conquis donne une légitimité à son occupation durable en devenant la source d’un développement d’activités religieuses, sociales et économiques. Cette réflexion sur le lien entre lieu sacré et territoire s’est poursuivie à travers l’étude de la « réhabilitation » de tombeaux de saints musulmans en février 1979 au Gansu, au sortir de la période maoïste. La ré-inhumation des « ossements saints » a constitué la première étape d’un long processus de reconquête d’un territoire religieux en remettant au cœur de la vie communautaire les activités liées aux tombeaux des saints. À travers ces deux cas d’étude nous avons pu examiner en détail les processus historiques et les dynamiques sociales au cœur de ce rapport entre lieu sacré et quête territoriale.

    La reconstruction de lieux de culte dans un contexte d’urbanisation croissante a été le deuxième thème fort de cette année. À travers l’étude de différents processus de reconstruction de temples de Cui Fujun à Changzhi (Shanxi) et d’une mosquée à Lintan (Gansu) nous avons pu analyser la spécificité de ces reconstructions dans un milieu en voie d’urbanisation. La question du droit de propriété, pour des reconstructions de lieux de culte historiques en milieu urbain, se trouve au centre des tensions entre politiques publiques (développement économique du tissu urbain, plan d’urbanisme) et activités religieuses des quartiers. Par ailleurs, cette étude des reconstructions a fait apparaître la question de la sanctuarisation d’un espace religieux musulman ainsi que celle de sa patrimonialisation. Nous avons également reconsidéré le lien entre culture et religion quand la patrimonialisation de ses espaces religieux est promue par les autorités locales et les acteurs eux-mêmes. Alors que certains temples ont perdu de leur visibilité dans le tissu urbain tout en gardant leur dynamique dans la vie du quartier, d’autres, au contraire – temple et mosquée – ont acquis les ressources et les compétences pour négocier leur place avec les autorités locales et les établissements publics et parfois même privés. Nous avons exposé les différentes stratégies qui ont permis aux acteurs de faire reconnaître leur légitimité et gagner en visibilité dans l’espace public.

    À une échelle encore plus micro, l’agencement interne des différents espaces considérés a été au cœur de nos discussions. Ainsi une étude spatiale d’un temple benzhu (dédié aux dieux tutélaires) au Yunnan a montré une partition des espaces rituels entre espaces centraux, conformes à une forme d’orthodoxie, et périphériques, plus ésotériques. Cette répartition des espaces (salles, autels, cours) suggère ainsi une hiérarchisation interne des différents cultes pratiqués lors de la même fête. Par ailleurs, la destruction, au milieu des années 2010, du lieu de retraite d’un saint fondateur musulman, auquel les fidèles vouaient jusqu’alors un culte, a permis de reconsidérer l’agencement des différents lieux sacrés à l’échelle d’un sanctuaire religieux. Ce lieu de retraite a été symboliquement substitué par une mini-reproduction du Temple du ciel, construite à un autre endroit, dont le lien à l’histoire de la communauté n’est connu que des initiés. Cette opération montre que la structuration particulière de l’espace religieux, dans un processus de sanctuarisation, se fonde sur des choix forts rendus acceptables. Par ailleurs, il indique les nouvelles formes d’un projet communautaire répondant aux contraintes politiques et publiques.

    La perspective comparatiste adoptée au sein du séminaire a fait émerger un dernier thème : la présence et l’agencement des différentes formes d’écrits dans les lieux de culte. Qu’elles soient réglementaires, prescriptives, narratives, informatives, ces formes d’écrits ont une visibilité manifeste dans les espaces observés. Nous avons donc pris au sérieux la façon dont les acteurs ont mis en valeur ces différents types d’écrit dans leur lieu de culte en considérant que cet agencement obéit à des logiques internes. Souvent trop rapidement considérés comme « idéologiques », ces écrits sont des éléments constitutifs du lieu de culte faisant apparaître différents cercles de lecteurs potentiels ou imaginés. L’étude de leur contenu fait apparaître des références plurielles (religieuses, historiques, légales, morales) faisant du lieu de culte le réceptacle des différentes politiques religieuses, d’une forme d’idéologie communautaire mais aussi un espace où peuvent s’exprimer des normes sociales partagées, comme par exemple la civilité et l’écologie.

    Le suivi des travaux des étudiants s’est organisé autour de deux exercices. Le premier a constitué en une lecture croisée de différents travaux de sociologie ou anthropologie religieuse : « Saint Besse. Étude d’un culte alpestre » de Robert Hertz (4 étudiants) ; chapitres 6, 7 et 8 de Miraculous response d’Adam Chau ; chapitres 1, 2 et 3 de Islam Observed de Clifford Geertz. Les étudiants étaient chargés de faire un Compte rendu oral de leur lecture, en s’intéressant surtout aux méthodes d’enquête, et d’entamer un dialogue entre eux, avant une discussion plus générale avec l’ensemble des participants au séminaire. Pour le deuxième exercice, les étudiants se sont livrés à l’écriture d’un petit texte ethnographique, si possible en relation avec la thématique du séminaire. Une première version du texte a été discutée d’abord par un étudiant désigné à l’avance avant de l’être de façon collective. Les étudiants ont par la suite retravaillé leur première version en intégrant les remarques faites en séance. Ce dernier exercice a donné lieu à la réalisation d’un corpus regroupant les dix textes : « Décrire un espace, décrire des interactions », Corpus de textes ethnographiques rassemblés et édités par Marie-Paule Hille, Année 2018-2019, EHESS, Paris, 93 p.

    Publications

    • « Terreur et révolution : un cas de “persécutions religieuses” en milieu musulman au sud du Gansu (Chine) après 1911 », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires, 19, 2018, [En ligne] http://journals.openedition.org/cerri/2458 ; DOI : 10.4 000/cerri.2458
    • « Interacting with the “Himalayan Ummah”. The case of Xidaotang, a Chinese Muslim Community from Lintan », HIMALAYA, the Journal of the Association for Nepal and Himalayan Studies, 38 (2), 2018, p. 100-105, https://digitalcommons.macalester.edu/himalaya/vol38/iss2/13
    • En collaboration avec S. Baciocchi et A. Cottereau, Le pouvoir des gouvernés. Ethnographies de savoir-faire politiques sur quatre continents, Bruxelles, PIE, Peter Lang, 2018.
    • « Faire communauté : dimensions religieuses et politiques d’un rite alimentaire sur trois générations », dans Le pouvoir des gouvernés. Ethnographies de savoir-faire politiques sur quatre continents, op. cit., p. 145-180.
    • Avec A. Cottereau et S. Baciocchi, « Pratiques d’enquête et sens de la réalité sociale », dans Le pouvoir des gouvernés. Ethnographies de savoir-faire politiques sur quatre continents, op. cit., p. 9-40.
    • Avec S. Ruhlmann, « Enquête dans les “papiers” de Françoise Aubin (1932-2017) », Techniques&Culture, 71, « Technographies », 2019, p. 126-139.
    • « Islam in Northwest China : An Overview of a Sino-Islamic Group, the Xidaotang », communication à l’International Symposium Islam in China. New studies and perspectives publiée sur Maydan, online publication of Ali Vural Ak Center for Global Islamic Studies, George Mason University, 2019.

    Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 25 juillet 2018.

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