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Mardi de 15 h à 17 h (salle 10, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 6 novembre 2018 au 28 mai 2019
À partir de cette année, nous envisagerons la question de la représentation (plutôt que l’image) de l’Amérique, dans la longue durée et de manière thématique, nous proposant de contruire une histoire de l’Amérique latine par l’image, à partir d’entrées telles que la nature, l’histoire, la société, la culture, etc. Pour chacun de ces thèmes, nous réunirons un ensemble de productions artistiques du xxe siècle et les mettrons en regard d’œuvres des siècles passés, mais aussi de sources écrites, dans le but d’établir les caractères de ce que l’on peut appeler, faute de mieux pour l’instant, une « imagerie latino-américaine », et de déterminer les schèmes visuels qui accompagnent, dupliquent ou ignorent les discours sur l’Amérique (chroniques, récits de voyages, mais aussi projets politiques et analyses historiques).
Pour analyser les pièces de ce puzzle, sans doute sera-t-on amené à faire rejouer, mais à une échelle plus globale, des questions que l’on avait traitées les années antérieures à propos de l’Argentine et de l’Uruguay, lorsque nous avons étudié les « régimes artistiques de l’histoire » (identitaire, critique, mémoriel, utopique).
Si l’Amérique hispanique sera privilégiée, nous ne nous interdirons pas d’inclure dans le questionnement des œuvres brésiliennes ou états-uniennes.
Mots-clés : Anthropologie visuelle, Arts, Culture, Culture visuelle, Histoire culturelle,
Aires culturelles : Amériques,
Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire annuel (48 h = 2 x 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations des Amériques
Intitulés généraux :
Renseignements :
Goretti Frouin, CERMA, tél. : 01 49 54 20 85.
Direction de travaux d'étudiants :
mardis, de 10 h à 12 h, sur rendez-vous.
Réception :
mardis, de 10 h à 12 h, sur rendez-vous.
Niveau requis :
connaissance de l'espagnol.
Site web : http://cerma.ehess.fr
Site web : http://mondes-americains.ehess.fr
Adresse(s) électronique(s) de contact : jacques.poloni-simard(at)ehess.fr
Autour de la question de la représentation de l’Amérique, nous avons ouvert cette année un nouveau cycle de séminaires, qui nous occupera plusieurs années.
Le premier semestre a été consacré à la cartographie du Nouveau Monde. Il ne s’est pas agi de montrer les progressives précisions du tracé des côtes et extension des terres découvertes, mais de se concentrer sur les informations iconographiques et textuelles dont ces documents étaient accompagnés, afin de déteminer les registres de sens dont ils témoignent. Pour cela, nous sommes partis de la cartographie médiévale, et l’on s’est intéressé (chronologiquement) aux cartes catalane, italienne, portugaise, allemande, normande, hollandaise et anglaise. Une attention particulière a été réservée à quelques monuments de la cartographie : les Secrets d’histoire naturelle, d’après Solin (illustr. Robinet Testard, ca 1480) ; l’Atlas catalan (1375) ; l’Atlas Miller (1516) ; l’Atlas Vallard (1547) ; la Cosmographie universelle, de Guillaume Le Testu (1556) ; l’Atlas maior, de Joan Blaeu (1662-1665).
Plusieurs strates iconographiques étaient ainsi juxtaposées : le donné biblique (le jardin d’Éden), l’héritage des Anciens (les races monstrueuses de Pline, la geste d’Alexandre), l’imaginaire médiéval (le bestiaire, les territoires légendaires), le Livre des merveilles, de Marco Polo. L’irruption de l’Amérique et de ses habitants (« sauvages », « barbares » – car nus, anthropophages et sans organisation politique) vient bousculer ces modalités de la représentation, sans les faire disparaître immédiatement pour autant. Aux informations géographiques des marins sur ces nouvelles terres inconnues et fabuleuses s’ajoutent celles, ethnographiques, des récits des découvreurs sur leurs habitants (vêtements, parures, habitat, coutumes, fêtes). Les savoirs scientifiques et pratiques se substituent ainsi progressivement aux légendes, et la véracité du témoignage oculaire bouscule l’autorité de l’auteur ancien en tant que garant de la vérité des faits représentés.
Le second semestre a été consacré aux allégories de l’Amérique, seule ou associée aux autres continents. Le modèle en est fourni par Cesare Ripa, Iconologia (Rome, 1593), ouvrage accompagné d’illustrations à partir de l’édition de 1603. L’Amérique est une femme, nue, à la chevelure abondante et ébouriffée, coiffée de plumes et portant bijoux ; tenant dans les mains un arc et une flèche, ainsi qu’un carquois, elle pose le pied sur une tête humaine coupée ; elle est enfin accompagnée d’un gros lézard. Si la référence à l’anthropophagie disparut, le monstre ne la quitta jamais ; si sa nudité fut de plus en plus couverte, elle garda l’arc, les flèches, les plumes (et les bijoux) ; elle acquit une corne d’abondance, remplie de fruits exotiques ou de pièces de monnaie, et se vit accompagnée de perroquets, de singes ou de paresseux.
C’est donc la représentation des Indiens tupinamba du Brésil, diffusée par les gravures de Théodore de Bry dans les livres qu’il imprima sur le Nouveau Monde, qui servit de matrice à cette image de l’Amérique et fut appliquée à l’ensemble du continent (nord, centre et sud). Ce motif a inspiré nombre de peintres, sculpteurs et graveurs pendant les XVIIe et XVIIIe siècles et produit des chefs-d’œuvre, les plafonds peints de Tiepolo, par exemple ; on le retrouve au XIXe siècle aussi bien sur des objets relevant des arts décoratifs que dans les sculptures de monuments publics. Allégorie d’une Amérique sous domination européenne, ce modèle iconographique servit à exalter les nouvelles nations indépendantes, États-Unis compris. Au service d’une idéologie impériale, puis nationale, d’autres représentations firent de cette allégorie une Amérique rebelle, voire révolutionnaire ou féministe (on en a trouvé des avatars jusqu’en plein XXIe siècle).
Silvia Dolinko, Universidad Nacional de San Martín (Buenos Aires), spécialiste de la gravure en Argentine au XXe siècle, a présenté quatre conférences en janvier 2019 sur le thème suivant : « Images graphiques de la modernité argentine, entre l’estampe originale et les publications culturelles ».
Publication
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 24 juillet 2018.