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1er et 3e mardis du mois de 10 h à 12 h (salle 12, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 6 novembre 2018 au 18 juin 2019. Les séances des 7 et 21 mai, et 4 et 18 juin 2019, auront lieu de 9 h 30 à 12 h 30
De très nombreux récits de voyage et histoires de colonie ont été rédigés à propos des îles anglaises et françaises de la Caraïbe du début du XVIIe au milieu du XIXe siècle. Les historiens actuels des sociétés coloniales et esclavagistes des Antilles s’en servent comme sources d’information sans toujours réfléchir aux problèmes épistémologiques que pose un tel usage. Aussi le séminaire ré-ouvrira-t-il ce corpus dans une perspective critique et comparative. Les œuvres de Richard Ligon et de Jean-Baptiste Du Tertre sur la Barbade et les Îles du Vent ou encore d’Edward Long et de Médéric Louis Élie Moreau de Saint-Méry sur la Jamaïque et Saint-Domingue seront, par exemple, analysées et confrontées.
Mots-clés : Coloniales (études), Comparatisme, Empire, Esclavage, Histoire,
Aires culturelles : Amériques,
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations des Amériques
Intitulés généraux :
Renseignements :
par courriel.
Direction de travaux d'étudiants :
sur rendez-vous.
Réception :
sur rendez-vous.
Niveau requis :
licence.
Site web : http://cena.ehess.fr/
Adresse(s) électronique(s) de contact : cecile.vidal(at)ehess.fr
Pour la seconde année, le séminaire a porté sur les récits de voyage et histoires de colonie relatifs aux Antilles françaises et anglaises. Ceux qui ont été lus, discutés et critiqués cette année datent tous du XVIIe siècle ou du tout début du XVIIIe siècle. Ils ont été écrits par Richard Ligon, César de Rochefort, Jean-Baptiste Du Tertre, Richard Blome et Hans Sloane. À l’exception de Richard Blome qui était un cartographe et libraire ayant utilisé les papiers du gouverneur de la Jamaïque Thomas Lynch, tous ces auteurs étaient des missionnaires ou des hommes appartenant aux élites laïques qui ont voyagé dans la Caraïbe. Ils décrivent les îles dans les premiers temps de leur colonisation par les Européens du Nord-Ouest, alors que les populations amérindiennes n’ont pas encore été décimées. Motivés par le désir de faire venir de nouveaux investisseurs et migrants aux colonies, leurs ouvrages ont en partage une dimension apologétique du colonialisme et promeuvent un modèle de colonisation tempérée par l’humanisme chrétien. Pourtant, à l’exception de Richard Blome, ils ne rosissent pas les difficultés du voyage transatlantique et des débuts de la mise en valeur des Antilles.
Alors que toutes les îles n’adoptèrent pas le système de la grande plantation sucrière intégrée et ne se transformèrent pas en société esclavagiste au même moment, ces phénomènes se produisant entre 1640-1660 à la Barbade mais vingt ans plus tard en Martinique et en Guadeloupe, tous ces récits de voyage ou histoires de colonie abordent la question de l’esclavage et la considèrent comme centrale. Sauf Blome, tous les auteurs ont interagi avec des esclaves, en les faisant travailler, en les évangélisant ou en les soignant. S’ils se mettent souvent en scène comme observateurs des populations serviles et s’ils rappellent à l’occasion que des esclaves, à côté d’Amérindiens, leur ont servi d’informateurs pour l’apprentissage de la faune et de la flore de la région, ils donnent peu la parole aux esclaves qui apparaissent rarement comme des individus.
Dans ces ouvrages, l’esclavage est défini comme une forme de servitude perpétuelle et héréditaire. À une époque où l’abolitionnisme est inexistant, le système esclavagiste n’est ni défendu, ni combattu. Pour certains, le recours à l’esclavage des Africains est une évidence qui ne demande pas de justification ; pour d’autres, c’est un mal nécessaire pour le développement économique qui est légitimé par des arguments très divers (auteurs de l’Antiquité, théorie de la juste guerre, malédiction biblique de Cham, infériorité naturelle des esclaves). Tous reconnaissent cependant la condition peu enviable des esclaves qui doivent susciter la compassion. La manière dont les populations serviles sont décrites suit souvent le même modèle avec une insistance sur certains tropes, tels que le goût des esclaves pour la danse et la musique, ce qui permet de souligner la dimension sensible, voire animale des esclaves. Si la grande violence de leurs modes de châtiments est soulignée, elle est aussi justifiée par le caractère des hommes et des femmes réduits en esclavage. L’ambiguïté de la curiosité éprouvée face à l’une des formes de domination les plus extrêmes transparaît dans la collecte d’instruments de punition tels que le fouet par Hans Sloane durant et après son voyage en Jamaïque.
Le sucre est présenté et célébré comme étant la source principale de richesse de la région. Les techniques de culture de la canne et de production du sucre ont été apprises lors des séjours dans les archipels portugais au large de l’Afrique, où s’arrêtent les navires avant de voguer vers l’ouest, ou grâce à l’arrivée de Hollandais venus du Pernambouc. Les plantations utilisent, à cette époque, à la fois des engagés et des esclaves, mais les deux groupes sont très clairement distingués à la fois par la religion et la race, bien qu’ils travaillent côte à côte et connaissent des conditions de vie très dures. La racialisation précoce des sociétés antillaises transparaît très clairement dans cette documentation.
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 21 mars 2019.