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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Identités et conduites lettrées dans la Chine des Song (960-1279) : les formes de l'écriture

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

Mardi de 13 h à 16 h (salle A06_51, 54 bd Raspail 75006 Paris), les 13 et 27 novembre, 11 décembre 2018, 8 et 22 janvier, 5 et 19 février et 5 mars 2019. La séance du 11 décembre se déroulera en salle 13 (105 bd Raspail 75006 Paris)

Le séminaire se poursuivra autour de l’œuvre et de la personnalité de Wang Yucheng (954-1001). Nous lirons cette année plusieurs textes rédigés après son retour d'exil en 993. Fort d'une première expérience du bannissement, conscient des vicissitudes de toute carrière, Wang retrouve la capitale et la cour où l’a rappelé l’empereur Taizong, qui apprécie son talent tout en se méfiant de ses foucades. Honoré de plusieurs titres, Wang est d’abord nommé académicien auxiliaire de l’institut du Rayonnement de la littérature (zhaowenguan), puis en 994 Rédacteur externe des édits impériaux (zhizhigao). Au tout début de 995, il entre dans le petit cercle des conseillers de l’empereur en tant que membre de l’académie de la Forêt des pinceaux (Hanlin xueshi), mais en est révoqué à l’été pour avoir mécontenté Taizong. Il retrouve alors le chemin de l’exil pour rejoindre Chuzhou, une préfecture pauvre de la région de la Huai. Nous continuerons notre enquête sur la cohérence de la démarche dont Wang a désormais pleinement conscience qu’elle lui assure de passer à la postérité : sa vocation est de transmettre une tradition savante qu’il s’emploie à redéfinir.

Aires culturelles : Asie orientale, Chine,

Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations de l'Asie

Intitulés généraux :

  • Christian Lamouroux- Territoire et savoirs en Chine : la formation de l’État prémoderne
  • Renseignements :

    envoi des dossiers à : Alain Arrault, Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine, 54 bd Raspail 75006 Paris ; à Stéphane Feuillas, Université Paris Diderot-Paris 7, UFR Langues et civilisations de l'Asie Orientale (LCAO) - bât. Les Grand Moulins - accès C - 4e étage, case 7009, 16, rue Marguerite Duras, 75013 Paris.

    Direction de travaux d'étudiants :

    pour une inscription en thèse, un projet de recherche écrit sera demandé aux étudiants. Pour une inscription en master, une lettre de motivation sera demandée aux étudiants.

    Réception :

    sur rendez-vous pris auprès du secrétariat du CECMC (Alain Arrault), tél. : 01 49 54 20 90 ; et du secrétariat du LCAO (Stéphane Feuillas), tél. : 01 57 27 64 08.

    Niveau requis :

    connaissance de base du chinois indispensable.

    Site web : http://cecmc.ehess.fr/index.php?2416

    Site web : http://www.crcao.fr/spip.php?article203

    Adresse(s) électronique(s) de contact : arrault.alain(at)efeo.net, lamourou(at)ehess.fr, stephane.feuillas(at)univ-paris-diderot.fr

    Compte rendu

    Ce quatrième séminaire consacré au parcours de l’académicien Wang Yucheng (954-1001) avait pour thème son retour à la cour à l’été 993, après la sanction d’un premier exil. Après avoir lu quelques-uns des poèmes d’adieu à Shangzhou, le lieu du bannissement, ou encore plusieurs pièces attestant les demandes de Wang en faveur d’un adoucissement de sa peine, nous avons orienté notre lecture vers le genre des muzhiming, ces tablettes funéraires destinées à être enterrées avec le défunt. Daté de 994, le texte choisi apparaît classiquement comme une biographie précédant un poème d’éloge en donnant à voir un aspect des qualités d’historien de Wang. Même si les louanges sont appuyées, les détails sont nombreux, et Wang s’emploie à tirer de ces éléments du récit de vie d’un général au service des Tang du Sud (937-975) les valeurs morales qu’il entend mettre en avant : loyauté à son premier souverain, sincère humilité et prise de distance vis-à-vis du désordre, reconnaissance du mandat céleste dévolu aux Song. Parallèlement nous avons étudié une préface, écrite la même année, qui célèbre une autre grande vertu : la piété filiale, dont témoigne un lignage vertueux, soucieux de rester uni en refusant l’éclatement en familles distinctes. Nous avons ensuite choisi une approche plus thématique en analysant, d’une part, les rapports complexes de Wang avec le bouddhisme, ainsi que sa conception de l’histoire.

    Son hostilité déclarée aux moines est soulignée dans plusieurs chroniques qui précisent ses arguments, surtout matériels : les religieux sont des parasites, et les monastères détournent l’argent de la population. Or cette intransigeance, assez stéréotypée, cache à peine les relations suivies que Wang a entretenues avec l’un des chefs du samgha, Zanning (919-1001), qu’il admirait comme en témoignent plusieurs textes, en particulier la préface que Wang a écrite pour le recueil des œuvres de ce maître vinaya de l’École du Tiantai, reconnu et honoré à la cour. Ces ambiguïtés s’expliquent sans doute en partie par la qualité des échanges intellectuels que pouvaient entretenir un lettré comme Wang, en quête d’une refondation des liens entre morale et gouvernement, avec un religieux rompu aux études classiques comme Zanning. Mais, plus prosaïquement, plusieurs poèmes écrits en exil attestent que Wang, qui vivait chichement dans une région reculée et difficile, a fréquenté des monastères dans lesquels il aurait trouvé quiétude et beauté vertueuse.

    C’est durant la décennie 990 que Wang écrivit deux récits d’histoire contemporaine : Événements oubliés de l’ère Jianlong (Jianlong yishi) sur le règne de Taizu, et ses Compléments aux Cinq dynasties (Wudai quewen), deux textes qu’il présente lui-même comme des témoignages oraux. Nous avons d’abord rappelé nos lectures antérieures de ses « commentaires critiques » (lun) dans lesquels il s’était saisi d’anecdotes tirées de l’histoire ancienne. Ces deux ensembles, les jugements critiques portant sur l’histoire souvent lointaine et l’enregistrement des anecdotes tirées du passé récent, mettent en lumière la double exigence qui caractérise sa vision historique. D’une part, Wang lit l’histoire ancienne en essayant d’en dégager des modèles de conduite qui constituent une histoire des valeurs, l’histoire universelle de la voie juste. D’autre part, dans ses récits historiques construits comme des Notes au fil du pinceau, il présente des anecdotes significatives, en insistant sur le respect des faits, propre à la construction d’une mémoire fiable de l’histoire contemporaine. Moraliste sourcilleux, Wang veut voir dans les fragments de l’histoire des Cinq dynasties et des Song les diverses manifestions des principes susceptibles de guider la dynastie.

    Enfin, les dernières lectures ont porté sur l’écriture puisque Wang est surtout considéré comme un maître de la langue. Dans deux lettres adressées en réponse à un candidat qui lui a soumis ses compositions, Wang dégage trois points essentiels : la clarté de l’expression permet « de transmettre la voie et d’illuminer l’esprit » ; les six classiques fournissent les modèles indépassables de cette expression ; par sa simplicité, Han Yu (768-824) est l’auteur qui a le mieux réactivé cette tradition, au contraire d’un Yang Xiong (-53-18), que Wang condamne pour avoir écrit des textes « creux ». Autrement dit, l’écriture doit être simple et les formulations rendre le sens compréhensible car, en maître de la « prose à l’ancienne » (guwen), Wang refuse de mettre l’écriture au service d’un système spéculatif. Pour lui, elle doit avant tout viser à transmettre une tradition savante qu’en pleine conscience il s’emploie à redéfinir.

     

    Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 17 octobre 2018.

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