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1er et 3e lundis du mois de 17 h à 19 h (salle 5, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 5 novembre 2018 au 20 mai 2019. Pas de séance le 4 mars
Dans quelle mesure l’approche biographique et l’analyse des trajectoires individuelles nous permettent-elle de reconsidérer le passage de l’Empire aux États-nations dans le Sud-Est européen et plus largement l’évolution des sociétés sud-est européennes (Turquie comprise) aux XIXe et XXe siècles ? Ces questionnements qui guideront, comme l'année précédente, le séminaire mèneront à s’interroger également sur les questions de généalogie, de générations, de trajectoires multiples et complexes, mais aussi de rapport entre expérience, socialisation et engagement. Ils nous conduiront aussi à considérer de façon critique le traitement biographique et le rapport entre études de trajectoires individuelles et analyses historiques et sociales. Enfin, il sera question des sources (ego-documents et autres).
5 novembre 2018 : Xavier Bougarel (CETOBaC) : « La mutinerie de Villefranche-de-Rouergue (17 septembre 1943) : mythes politiques et en-rôlements biographiques »
19 novembre 2018 : Lucie Guesnier (Centre d'histoire sociale du XXe siècle) : « Le mouvement socialiste roumain avant 1914 au prisme de trajectoires militantes. Témoignages de Panait Istrati »
3 décembre 2018 : Nathalie Clayer (CETOBaC), « Socialisation et sociabilités ottomanes au prisme de la trajectoire d’un intellectuel : Şemseddin Sami Fraşeri (1850-1904) »
17 décembre 2018 : Bernard Lory (INaLCO), « Avram Petronijević (1791-1852) : une trajectoire entre politique et entreprenariat»
7 janvier 2019 : Marie-Carmen Smyrnelis (Institut catholique de Paris), « Individus et jeux d’espace dans la Méditerranée orientale du XIXe siècle »
21 janvier 2019 : Edhem Eldem (Université du Bosphore-Collège de France), « L’écriture de soi comme apanage de modernité : le cas du prince Selahaddin Efendi (1861-1915) »
4 février 2019 : Bernard Lory (INaLCO) : « La guerre comme expérience spirituelle au témoignage de deux aumôniers militaires (1912-1915) »
18 février 2019 : Nathalie Clayer (CETOBaC) : « Giacomo Vismara : « entre entreprenariat et diplomatie d’État »
18 mars 2019 : Xavier Bougarel (CETOBaC) : « Conversations avec Djilas (II) : l’étudiant révolutionnaire »
1er avril 2019 : Laurent Mignon (Université d’Oxford, professeur invité à l’EHESS) : « Yahya Kemal Beyatli : Mythes et mythologies »
15 avril 2019 : Bernard Lory (INaLCO) : « Technique du coup d’État : le cas de Dimo Kazasov (1886-1980) »
6 mai 2019 : Séance exposés masterants/doctorants
20 mai 2019 : Jovo Miladinović (Berlin Graduate School Muslim Cultures and Societies à la Freie Universität) : « Shifting Loyalties : The Lifeworld of Two Notables from Tasliça and Mitroviça in Times of Peace and War (1900s-1920s) »
Mots-clés : Analyse de discours, Anthropologie, Anthropologie historique, Anthropologie sociale, Anthropologie visuelle, Circulations, Citoyenneté, Classes sociales, Dynamiques sociales, Éducation, Empire, Enfance, Espace, État et politiques publiques, Ethnicité, Famille, Histoire, Histoire intellectuelle, Institutions, Interactions, Islam, Mémoire, Migration(s), Minorités, Mobilisation(s), Nationalisme, Orientalisme, Professions, Réseaux sociaux, Sociohistoire, Spatialisation, territoires, Temps/temporalité, Transnational, Violence,
Aires culturelles : Europe, Europe centrale et orientale, Europe sud-orientale, Méditerranéens (mondes), Musulmans (mondes), Transméditerranée, Transnational/transfrontières, Turc (domaine),
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations de l'Europe
Intitulés généraux :
Adresse(s) électronique(s) de contact : clayer(at)ehess.fr
Le passage d’une société d’empire au cadre de l’État-nation se laisse observer avec une acuité toute particulière à l’échelle des trajectoires individuelles de personnages ayant connu les deux régimes au cours de leur existence. L’approche biographique, que l’historiographie balkanique sous l’influence marxiste avait négligée durant la deuxième moitié du XXe siècle, connaît un véritable essor depuis une vingtaine d’années. Elle est riche de possibilités et ouvre à de nombreux débats.
Chronologiquement, la première trajectoire individuelle abordée est celle d’Avram Petronijević (1791-1852) présentée par Bernard Lory. La transition post-ottomane précoce en Serbie permet à un personnage tout juste scolarisé, mais doué pour les langues et habile à négocier, d’émerger comme un des protagonistes de la diplomatie serbo-ottomane. Parallèlement, il met sur pied une verrerie, entreprise industrielle pionnière dans la région. Şemseddin Sami (Sami Frashëri) (1850-1904) appartient à la génération suivante. Nathalie Clayer s’est efforcée, à travers des sources diversifiées, de faire émerger les réseaux de sociabilité dans lesquels sa trajectoire biographique peut être insérée. Edhem Eldem (professeur au Collège de France et à l’Université du Bosphore) s’est penché sur le prince Selahaddin, membre de la dynastie ottomane qui a laissé des écrits autobiographiques abondants, permettant de reconstituer son univers intellectuel avec un degré de précision inhabituelle au tournant du XXe siècle. Ce prince a reçu une éducation médiocre et sa vie confinée au Palais a été absorbée par un quotidien assez superficiel. Sur la base des registres d’immatriculation de quelques grands consulats français, Marie-Carmen Smyrnelis (Institut catholique) s’efforce de réfléchir sur la notion de mobilité. Malgré le grand émiettement de l’information, certaines trajectoires individuelles ou familiales s’ébauchent à l’échelle de la Méditerranée orientale de la seconde moitié du XIXe siècle.
L’écrivain turc Yahya Kemal (1884-1958) lança en 1912 un courant littéraire qui n’eut qu’une vie éphémère, le néo-hellénisme, censé se rattacher à l’École romane de Jean Moréas à Paris. Laurent Mignon (professeur invité à l’EHESS) a montré combien il faut relativiser une affirmation que l’histoire littéraire turque reproduit de façon peu critique : la revue envisagée n’a pas vu le jour et Yahya Kemal a détruit la plupart des poèmes de cette époque. Jovo Miladinović (doctorant à l’Université Humbolt) a présenté la carrière de deux notables musulmans de la périphérie occidentale de l’Empire ottoman, Mahmud pacha Bajrović de Pljevlja et Ferhad bey Draga de Mitrovica, interrogeant la question des shifting loyalties durant les années qui vont de 1900 à 1920. Les rapports avec les autorités ottomanes, austro-hongroises et serbes, qui alternent au long des conflits sont à évaluer sur le plan individuel, familial, local, régional. La transition de l’Empire ottoman vers l’Albanie indépendante a été éclairée elle sous un angle inédit par Nathalie Clayer avec la figure de Giacomo Vismara, homme d’affaires italien assez douteux, dont le nom apparaît fréquemment dans les sources. Autour d’un projet d’exploitation des forêts albanaises pour les besoins du marché italien, cet homme d’influence participa à plusieurs combinaisons financières dont aucune n’aboutit véritablement. Le mouvement socialiste roumain avant la Première Guerre mondiale reste embryonnaire, mais est éclairé par la figure de Panait Istrati (1884-1935). Lucie Guesnier (postdoctorante) a présenté sa trajectoire, en dépassant le cadre connu de ses écrits plus ou moins autobiographiques qu’elle a croisés avec les articles qu’il a publiés dans la presse socialiste. La confrontation avec Christian Rakovski, autre figure marquante de l’époque qui opta pour une carrière dans le cadre soviétique, fait ressortir la grande originalité d’Istrati.
La période de l’entre-deux-guerres a été évoquée par Bernard Lory, à propos du politicien bulgare Dimo Kazasov (1886-1980). Sa trajectoire politique part de la social-démocratie, puis glisse à l’extrême droite, pour revenir à la coalition menée par les communistes après 1945. Dans ses mémoires, il éclaire les péripéties de cette carrière acrobatique. Au moment de leur publication, dans les années 1960, il est le seul en position de pouvoir dire certaines choses sur la vie politique bulgare de l’entre-deux-guerres.
Xavier Bougarel a consacré deux séances à la Deuxième Guerre mondiale. Il est revenu sur la mutinerie de Villefranche-de-Rouergue, épisode qui a connu les interprétations contradictoires. Tirer le fil de la trajectoire biographique des participants de l’évènement permet de relativiser beaucoup d’exagérations qui ont été formulées. Le 18 mars 2019, il a prolongé la présentation de la carrière de Milovan Djilas commencée lors de l’année précédente, en se penchant sur l’entre-deux-guerres. Les années 1927-1933 sont celles d’un étudiant communiste idéaliste ; 1933-1936 sont ses années de détention et de maturation ; les années 1936-1941 voient son essor comme révolutionnaire professionnel. Rédigées dans les années 1970, avec le recul qu’il a pris par rapport au PCY, ses mémoires constituent une source riche, nuancée et fiable sur le passé révolutionnaire de la Yougoslavie.
En outre, deux séances ont été consacrées aux travaux des doctorants. Théo Malçok a réfléchi sur le cheminement personnel pouvant conduire à un athéisme revendiqué dans la société turque contemporaine. Luka Tsiptsios a présenté le parcours de notables, anciens réfugiés d’Asie Mineure, qui s’investissent dans le sport, autour du PAOK de Thessalonique. Ivan Zulfikarpašić s’est mis en scène lui-même, dans sa posture d’apprenti-enquêteur parmi les commerçants chinois du Blok 70 de Novi Beograd. Andrea Grittia réfléchi sur les processus d’industrialisation et de modernisation à Salonique dans la deuxième moitié du XIXe siècle, en relevant le rôle paradoxal d’un acteur comme Saul Daniel Modiano. Elif Becan a montré, à partir de documents sur la convention d’émigration yougoslavo-turque de 1938, comment les identités turques, musulmanes, post-ottomanes pouvaient être négociées selon les circonstances.
Publications
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 1 février 2019.