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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Anthropologie des pratiques de mesures

  • Grégory Chambon, directeur d'études de l'EHESS (TH) ( AnHiMA )

    Cet enseignant est référent pour cette UE

  • Morgane Labbé, maîtresse de conférences de l'EHESS (TH) ( CRH-ÉSOPP )

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

Mardi de 13 h à 15 h (105 bd Raspail 75006 Paris), du 13 novembre 2018 au 21 mai 2019, cf. calendrier des séances et salles ci-dessous

  • Mardi 13 novembre 2018 : salle 4
  • Mardi 27 novembre 2018 : salle 4
  • Mardi 4 décembre 2018 : salle 4
  • Mardi 18 décembre 2018 : salle 4
  • Mardi 15 janvier 2019 : salle 6
  • Mardi 29 janvier 2019 : salle 6
  • Mardi 5 février 2019 : salle 7
  • Mardi 19 février 2019 : salle 6
  • Mardi 19 mars 2019 : salle 6
  • Mardi 16 avril 2019 : salle 6
  • Mardi 7 mai 2019 : salle 9
  • Mardi 21 mai 2019 : salle 4

Arpenter un territoire, mesurer le rendement d’un champ, peser des métaux, échanger des pièces de tissus contre des sacs de blé, dénombrer des habitants, établir un indice des prix : toutes ces actions engagent des pratiques de mesure qui sont rarement interrogées en tant que tel. Ce séminaire considère au contraire que l’étude des mesures peut relever d’un questionnaire transversal aux sciences sociales. En référence aux travaux pionniers de Witold Kula, qui fondait la métrologie historique comme un domaine propre et non pas une méthode de l’histoire, le séminaire s’intéressera à la diversité des pratiques de mesure, prêtera attention aux logiques des systèmes dont elles relèvent, à la manière dont elles combinent qualité et quantité, aux effets de la standardisation, et aux modes de représentation associés. Pour cette deuxième année, nous approfondirons notre approche comparative et élargie à travers l’étude de terrains nouveaux, inscrits dans des aires géographiques et des périodes variées, afin de continuer à définir le cadre d’une anthropologie des mesures, qui nous aide à traiter des questions sur la quantification des sociétés, sur leurs économies et sur leur représentation de la commensurabilité.

Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Domaine de l'affiche : Anthropologie historique

Intitulés généraux :

  • Grégory Chambon- Savoir et culture matérielle au Proche-Orient Ancien (IIIe-Ier millénaire av. J.-C.)
  • Morgane Labbé- État et sciences sociales
  • Renseignements :

    par courriel.

    Direction de travaux d'étudiants :

    direction de travaux d'étudiants (doctorat, master) sur rendez-vous.

    Réception :

    sur rendez-vous.

    Niveau requis :

    pas de niveau requis.

    Adresse(s) électronique(s) de contact : gregory.chambon(at)ehess.fr, morgane.labbe(at)ehess.fr

    Compte rendu

    Pour cette deuxième année, ce séminaire a proposé un nouveau programme de séances thématiques accueillant des intervenants qui interrogèrent, à partir de leurs disciplines, de leurs recherches et terrains particuliers, des pratiques de mesure. Dans cette large perspective comparative la diversité des cas présentés a permis de mettre en évidence certaines caractéristiques du renouvellement de la métrologie. La première caractéristique a trait aux sources. Longtemps tenus aux sources écrites et administratives, les historiens, notamment ceux de l’Antiquité et de la période médiévale, exploitent les abondantes sources iconographiques et collections d’objets et en tirent une histoire culturelle et matérielle des instruments et activités de mesure, plus complexe que celle typologique longtemps privilégiée. Danièle Alexandre Bidon (CRH) sur les poids et les dosages en médecine et en pharmacie du XIIIe au XVIe siècle, nous a présenté à partir de la riche iconographie médiévale les instruments et pratiques de pesage, dont la précision au croisement de la médecine, de l’apothicaire et de la cuisine défie les présupposés longtemps tenus sur cette période. Dans son exposé sur « Les poids de balance et idéologie impériale dans les marchés byzantins », Pierre Charrey (EPHE) a décrit la rationalité pratique et politique associée aux poids byzantins qui ressort de l’analyse des marques graphiques et des figures impériales qu’on y trouve. Dans cette même période de l’Antiquité tardive, mais dans le domaine des croyances, Robert Wisniewski (Université de Varsovie), s’appuyant sur les registres des monastères, a montré qu’à l’échelle de sanctuaires et de leur rivalité, comment interpréter, au croisement du politique et du religieux, les séries des miracles qui étaient consignés.

    L’exposé de Caterina Guenzi (EHESS-CEIAS), « Peser les fautes. Mesures de compensation dans un traité sanskrit (XVIIIe, Inde du Nord) » aborda également la question de la signification des actes de mesure dans le domaine religieux. Croisant sources écrites anciennes, les textes Védiques, et enquête ethnologique de pratiques rituelles à Bénarès, elle s’est arrêtée à la notion de mesure présente dans des actes compensatoires et d’offrande qui objectivent la gravité des fautes.

    La question des sources a été également au cœur de l’exposé de Frédérique Laget (Université de Nantes), « La mesure en mer et la mesure de la mer ». Dans cet environnement instable, ce fut longtemps par la transmission orale que les marins apprenaient à maîtriser les manières de se repérer en mer par rapport à la terre, à un point ou un astre. Pour ce repérage, le savoir était avant tout visuel, le marin utilisait peu d’instruments. En haute mer les routiers décrivaient des itinéraires assortis d’instructions ; les cartes étaient en revanche moins utiles au marin.

    Un autre trait caractéristique de cette métrologie, illustré et discutée dans plusieurs exposés, est celui de la question de la commensurabilité, celle des objets mais aussi des individus. Luc Berlivet (Cermes3) a traité de la commensuration des populations humaines dans les enquêtes anthropologiques au Mexique organisées par celui qui était une des figures de la démographie et de l’eugénisme de l’Italie fasciste, Corrado Gini. La comparaison des populations passait par un travail de standardisation et de mesure, l’anthropométrie, dont les résultats étaient consignés dans des fiches et des tableaux qui construisaient un espace de commune mesure. Avec la question des individus, c’est aussi une nouvelle question qui a été soulevée, celle de la réaction – résistance, appropriation, etc. – des populations à ces mesures, et par conséquent la vue de la mesure comme un ensemble d’interactions sociales. L’exposé de Niccolo Mignemi (CRH) sur la « bataille du blé » dans l’Italie fasciste, soit un programme d’intensification de l’agriculture typique de cette politique dite de modernisation autoritaire, a également traité de la question de la construction d’un espace d’une commune mesure statistique. Longtemps les historiens se sont intéressés à trouver les chiffres qui évaluent l’efficacité de cette politique. À l’écart de cette vue, il a montré comment savants et experts impliqués dans ce programme agricole, léguèrent des nouvelles mesures qui synthétisaient des données locales et cadastrales à l’origine d’une écologie agricole. La question des grains fut centrale dans la définition des unités de mesure, c’est ainsi que Karine Chemla (CNRS-SPHERE) a ouvert son exposé sur les « Grains et unités de mesure dans les débuts de la Chine impériale ». Mais cette métrologie soulève aussi des questions inattendues, puisque la mesure des volumes se faisait à partir d’un système décimal de longueur. Croisant les textes administratifs et mathématiques elle a montré le rôle de la géométrie dans l’établissement de la valeur.
    La question de la valeur associée à la mesure a été également présente dans l’intervention d’Alexandra Bidet (CMH) sur « La quantification et la valuation en sociologie », à partir de ses travaux en sociologie du travail sur les services téléphoniques. À l’écart des approches qui rabattent la mesure du travail sur le salariat et celles qui mesurent l’efficacité d’un service à partir des objets techniques, elle a montré l’apport d’une sociologie qui s’intéresse aux pratiques métrologiques des ingénieurs, techniciens. C’est aussi vers la sociologie que Catherine Cavalin (Irisso), dans son exposé sur « Politiques publiques, mesure statistique et éthique d’enquête », nous a conduits avec des questions souvent négligées et pourtant centrales autour de la quantification de situations sociales des personnes vulnérables à partir des enquêtes.

    Le séminaire a enfin eu cette année l’opportunité d’accueillir Estafania de Mirandes du Bureau international des poids et mesure, pour rendre compte de la récente révision du système international d’unités de mesure.

    Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 1 avril 2019.

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