Cet enseignant est référent pour cette UE
S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.
Mercredi de 9 h à 13 h (salle 8, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 13 mars 2019 au 19 juin 2019. La séance du 17 avril se déroulera de 13 h à 17 h (salle 7, 105 bd Raspail 75006 Paris)
Dans le séminaire, l’argument des usages du monde sera mis « en expérience », c’est-à-dire mis « à l’épreuve » (selon les expressions de Stendhal dans son récit de voyage en Italie). On examinera cet argument en considérant d'abord une gamme d'actions et de situations humaines. Au moyen d’exemples variés, on se demandera si partir est un acte individuel ou collectif qui répond à des nécessités économiques ou des contextes de coercition ; s'il abrite le projet d’une vie meilleure ; s’il contient des attentes, voire des tactiques, scientifiques, spirituelles, esthétiques, politiques ou littéraires ; s'il est contredit par les conditions d'arrivée puis de séjour, et parfois de retrait, dans un milieu donné ; s'il engage un nouveau départ et, selon les cas de figure, un retour. On ouvrira ensuite cette réflexion sur une étude des dynamiques ambulantes des êtres vivants non-humains. Par-delà le clivage ville/nature, les comportements « dispersants » induisent des rapports complexes au territoire qui dessinent des types de socialité qu'il nous faudra décrire et comprendre. Pour saisir l'entrelacs de la nature et de la société, on tentera enfin de redéfinir la catégorie de « worlding » à l’aune de cette multiplicité d’agents humains et non-humains et de leurs codages de l’expérience dite « nomade ». Le séminaire aura deux fils rouges : le texte de Barry Lopez, Horizon (Knopf, 2019), et celui de Glenn Albrecht, Earth Emotions (Cornell UP, 2019). Isabelle Autissier, Gilles Clément, Cédric Gras et François Sarano viendront également nous parler de leurs expériences et de leurs livres.
Aires culturelles : Contemporain (anthropologie du, monde), Transnational/transfrontières,
Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire semestriel (48 h = 12 ECTS)
Domaine de l'affiche : Philosophie et épistémologie
Intitulés généraux :
Adresse(s) électronique(s) de contact : olivier.remaud(at)ehess.fr
Afin d’inaugurer ce cycle de trois années consacrées aux « usages du monde », nous avons centré notre réflexion sur le thème du départ. D’emblée, il s’agissait de comprendre en quoi les expériences de départ sont indissociables des situations d’arrivée, de transit, de retour, voire de nouveau départ, et parfois d’exil prolongé. On détenait là des termes constituant en partie le vocabulaire des « migrations ».
Dans ce cadre d’analyse, il nous est apparu rapidement que la migration devait être considérée comme un « fait social total », pour reprendre l’expression de Marcel Mauss. Car elle modifie en profondeur les habitudes, les pratiques et les représentations des individus concernés, qu’ils soient solitaires ou bien en groupe. Autrement dit : c’est toujours un « événement biographique », selon une expression très employée dans les champs de l’anthropologie et de la sociologie des migrations.
La réalité du changement climatique s’avère néanmoins telle aujourd’hui qu’elle contraint de plus en plus tous les êtres qui vivent sur un territoire donné à le quitter, sans faire de distinction. Dans le prolongement des années précédentes, nous avons suivi ce fil rouge et tenté de faire valoir la belle définition, donnée par Raymond Depardon, de l’errance comme une « quête du lieu acceptable », autant sur le plan des êtres humains que sur celui des êtres non-humains.
Les lectures commentées de textes tantôt littéraires tantôt philosophiques (dont Bruce Chatwin, Eva Hoffman, Barry Lopez, Edward Said, Alfred Schütz, Georg Simmel) ont été ainsi mises en parallèle avec des études portant sur des « contextes animaux » (parmi lesquels : David Abram, John A. Baker, Andrew Berdahl, William Fiennes, Donna Haraway, Aldo Leopold, Charles Stépanoff, David S. Wilcove).
Enfin, les arguments du dernier livre de Glenn Albrecht ont longtemps retenu notre attention, dans l’attente d’un dialogue viva voce à l’occasion de sa venue en France l’année prochaine. Dans Earth Emotions : New Words for a New World (Cornell University Press, 2019), le philosophe et écologue australien développe le concept de « solastalgia ». Ce terme, qu’il a lui-même forgé, lui sert depuis une dizaine d’années à décrire le type d’anxiété écologique qui frappe les habitants d’un territoire défiguré par les effets du réchauffement climatique ou de l’extractivisme. L’outil est précieux. Il nous a permis d’étendre, à des titres divers, la compréhension de cette détresse psychique, éprouvée chez Albrecht par des résidents à l’égard d’un milieu dont ils sont familiers et qui disparaît sous leurs yeux, à l’ensemble des êtres qui vivent sur la planète.
Afin d’étayer notre approche, quatre interventions extérieures ont rythmé le séminaire : Isabelle Autissier, Gilles Clément, Cédric Gras et François Sarano ont ouvert nos réflexions en présentant des récits d’expérience souvent accompagnés d’images.
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 18 février 2019.