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Lundi de 11 h à 13 h (salle 8, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 5 novembre 2018 au 4 février 2019
L’anthropologie globale repose sur la description ethnographique d’un éventail d’activités singulières : celles inhérentes aux transferts de populations (humaines, animales, végétales, microbiennes), de richesses, de droits, de technologies, d’idées ou de formes de violence d’une formation politique à l’autre, entre localités, provinces, régions et/ou continents. L’enjeu problématique est de déterminer par qui, pourquoi, où, et comment s’opèrent ainsi la mise en mouvement de flux, la mise en réseau de lieux, et l’interconnexion de sphères d’activités distinctes, de part et d’autre de frontières souveraines. Il est par ailleurs de saisir le changement social et culturel à l’œuvre dans l’ensemble des sphères d’activité mises ainsi en relation, et dont les conditions d’exercice se trouvent modifiées par cette mise en circulation. Il est enfin de rendre intelligible cette corrélation typique des phénomènes de globalisation, en caractérisant la nature des transferts opérés, la nature des formations politiques ainsi reliées, et celle des changements manifestés. Cette caractérisation donne lieu à diverses théorisations, quant à l’échelle de ces phénomènes (planétaire ou globale), leur portée (sectorielle ou générique), et leur temporalité (contemporaine ou ancienne). Car cette détermination dépend du nombre, de la teneur et de la modalité des transferts et des changements pris en compte, de la façon de conceptualiser leur corrélation, mais aussi et surtout, du rôle et de la place qu’occupent ces ensembles d’activités et ces événements dans la reproduction sociale des formations politiques concernées.
Le traitement de telles problématiques implique l’aménagement des méthodes ethnographiques adaptées à de tels objets d’étude, de par l’extension nécessaire des données empiriques produites dans la durée et dans l’espace, afin de déployer l’observation participante au croisement des temporalités et au cœur des jeux d’échelles. Pour cela, l’anthropologie comparée des globalisations s’adosse à l’ethnographie globale, c’est-à-dire aux dispositifs d’enquête tels que l’étude de cas élargie, les terrains multi-cas ou multi-site, qui peuvent prendre la forme d’enquêtes collectives et longitudinales, et sur lesquels sont susceptibles d’être greffées des techniques d’investigation propres à l’histoire (l’utilisation d’archives et de documentation), l’archéologie (la réalisation de fouilles), la sociologie (la passation d’entretiens semi-directifs et de questionnaires) et la géographie (l’emploi des images satellites/aériennes, du S.I.G et de la cartographie).
Cette année sera consacrée à ces greffes des dispositifs d’enquête propres à l'ethnographie globale, et aux types d’analyse anthropologique qu’elles permettent des phénomènes de globalisation, en Afrique subsaharienne, dans le Pacifique (Mélanésie, Polynésie, Micronésie), en Asie du sud-est et dans l’Amérique amérindienne.
Mots-clés : Anthropologie culturelle, Anthropologie historique, Anthropologie sociale, Archives, Capitalisme, Cartographie, Circulations, Comparatisme, Ethnographie, Globalisation, Historiographie, Méthodes et techniques des sciences sociales, Temps/temporalité, Transnational,
Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire semestriel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Intitulés généraux :
Renseignements :
LAS, 3 rue d'Ulm 75005 Paris, tél. : 01 44 27 17 35.
Direction de travaux d'étudiants :
sur rendez-vous.
Réception :
sur rendez-vous.
Niveau requis :
Licence.
Adresse(s) électronique(s) de contact : berger(at)ehess.fr
Le dernier cycle de ce séminaire a interrogé les greffes possibles de techniques d’investigation historiographiques et archéographiques en ethnographie pour étudier les processus de globalisation, et par la même occasion, a esquissé le cadre théorique à partir duquel différencier et comparer ces processus dans l’histoire de l’humanité. Pour cela, l’année a été consacrée au cas exemplaire de l’archipel hawaïen, à travers, principalement, la synthèse critique des travaux de Patrick Kirch, Marshall Sahlins et de Valerio Valeri. Le fil conducteur a été d’identifier les deux types de globalisation distincts qu’a connus l’archipel hawaïen, d’abord entre le XVIe et le XVIIIe siècle, avec la genèse et le développement d’un système interétatique de royautés divines alors que l’ensemble de ces îles était en complète autarcie ; puis au XIXe siècle, à la suite de l’arrivée des Occidentaux, avec le développement du commerce de longue distance et la conversion au christianisme corrélés à la centralisation étatique de l’archipel et sa transformation en monarchie constitutionnelle sous contrôle américain. Une attention particulière a été portée au type de documentation empirique mobilisée à l’appui de cette périodisation : glottochronologie du vocabulaire, fouilles des étangs à poissons, des terres cultivées et de l’architecture monumentale en pierre, collections muséographiques des vêtements d’écorce, des canoés à double coque, des nattes tressées et des parures à plumes d’oiseaux, journaux d’expédition européens, écrits des missionnaires et traitants d’Honolulu, traditions orales et récits historiques des élites indigènes, archives administratives de la monarchie hawaïenne... L’enjeu a été de caractériser la nature des transferts entre formations politiques, propres à la première globalisation, tribale (c’est-à-dire entre chefferies aristocratiques), et à la seconde globalisation, capitaliste (c’est-à-dire entre puissances européennes et État hawaïen). Dans le premier cas, il est apparu que les mouvements de populations au sein des îles et d’une île à l’autre, provoqués par le régime foncier et le système clientéliste d’allocation des terres, étaient à la fois l’une des causes et des conséquences principales des guerres de conquête territoriale initiées dans le sillage des échanges matrimoniaux endogamiques inter-insulaires entre maisons dynastiques. Dans le second cas, une relecture précise des données présentées par Sahlins à l’appui de son analyse en termes de « structure de la conjoncture », de « develop-man » et « d’indigénéisation du capitalisme », a permis de relativiser sa portée et de l’infirmer en partie. Si en effet la mort du capitaine Cook et la construction de la désirabilité des biens commerciaux échangés contre des produits locaux (biens de ravitaillement, bois de santal) s’inscrivent bien dans une certaine historicité culturelle garante d’une forme d’autonomie politique jusque dans les années 1830, l’arrivée des baleiniers et le développement concomitant de la prostitution, de la marine marchande et de l’économie de ranch et de plantation participent à l’effondrement de la royauté divine étatique hawaïenne et à son annexion coloniale. Or, les rapports de pouvoir et la fabrique de l’histoire ne se situent plus ici au niveau de la marchandisation des biens échangés (cadre de validité des thèses de Sahlins), mais dans les enjeux propres à la marchandisation de la monnaie, de la force de travail (avec l’institution du salariat) et des terres (avec la grande réforme foncière les privatisant au milieu du XIXe siècle). Aussi, l’étude comparée des globalisations tribales et capitalistes révèle des formes de transferts corrélés à des formes de changement structurel différentes et propres à chaque type de globalisation, mais qui sont néanmoins communes et similaires au sein de chaque type. La question du traitement méthodologique des jeux d’échelles inhérent à ces processus a fait l’objet d’une présentation d’Anne-Christine Trémon, professeure invitée à l’EHESS, centrée sur la diaspora chinoise dans le Pacifique et son rôle dans le développement de la zone économique spéciale de Shenzhen en Chine.
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 23 juillet 2018.