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Lundi de 11 h à 13 h (salle 4, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 5 novembre 2018 au 3 juin 2019. La séance du 3 décembre se déroulera en salle 1 (même heure, même adresse)
Les sociétés traditionnelles, qu'elles soient exotiques ou non, conçoivent toujours la différence sexuelle comme première, mettant l'accent tantôt sur une opposition, tantôt sur une complémentarité du masculin et du féminin. Au-delà du domaine de la procréation stricto senso, la dichotomie s'observe pour l'essentiel à travers la division sexuelle des tâches. Les évolutions que connaissent, surtout depuis le dernier demi-siècle, les sociétés occidentales semblent aller à l'encontre à la fois de cette grande division des tâches et de l'objectivation du féminin par le masculin. Le séminaire cherchera alors à confronter nos propres valeurs en matière de relations entre les sexes à ce que l'anthropologie est susceptible de nous apprendre à propos des sociétés qui nous ont précédés ou de celles qui appartiennent à des aires culturelles différentes de la nôtre. On verra alors que si les évolutions actuelles conduisent à remettre en cause l'universalité de l'échange matrimonial lévi-straussien (doctrine longtemps prisée de l'anthropologie et de la psychanalyse), l'exercice de comparaison élargie nous incitera toutefois à réduire les récents « progrès » accomplis par l'Occident à sa propre idiosyncratie. La façon dont est envisagée la corrélation entre l'acte sexuel et la procréation ainsi que les codes de pudeur qui en découlent, ici et ailleurs, seront examinés dans ce cadre. Les exemples exotiques renverront pour l'essentiel à l'Amérique du Nord, notre aire culturelle de référence, mais on étendra également la réflexion à d'autres régions du monde, comme l'Océanie et l'Afrique.
Mots-clés : Anthropologie culturelle, Ethnologie, Études des sciences contemporaines, Famille, Féminisme, Genre, Sexualité,
Aires culturelles : Afrique, Amérique du Nord, Amériques, Europe,
Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire annuel (48 h = 2 x 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Intitulés généraux :
Renseignements :
par courriel.
Réception :
sur rendez-vous.
Niveau requis :
ouvert à tous.
Site web : http://lias.ehess.fr/index.php?798
Adresse(s) électronique(s) de contact : desveaux(at)ehess.fr
Le séminaire s’ouvre sur un rappel à l’ordre, d’un point de vue épistémologique. Il convient de rendre à l’anthropologie sa véritable ambition, celle d’une discipline dédiée à l’étude de l’homme sur la base de la comparaison. D’où, par exemple, l’effort de penser la relation entre les hommes et les femmes, non seulement sous tous ses aspects – de l’économique au sexuel en passant par les liens de parenté et de d’engendrement –, mais également en s’affranchissant autant que faire se peut de nos préoccupations politiques contemporaines. Il s’agit surtout de ne pas limiter l’analyse aux rapports de force dans chacun de ses champs. Au reste, l’anthropologie n’a pas vocation à se ranger du côté du progrès, pas plus que du côté du conservatisme. Son rôle ne réside pas dans une quelconque contribution à l’éthique, mais dans l’intelligence d’une condition. Le séminaire a donné lieu ainsi à une sévère critique de la parole publique de certains éminents représentants de la communauté des anthropologues français qui, sous prétexte de soutenir la cause féministe, en arrivent à énoncer de pures contre-vérités. Comment peut-on affirmer que la famille, unité sociologique minimale composée d’un couple homme-femme et leurs enfants, n’a jamais fait l’objet d’une attention particulière de la part des anthropologues dans le cadre d’une réflexion plus large sur l’origine de la société ?
Le séminaire a emprunté ensuite un cheminement plus serein. Cela étant pas tout à fait pour l’orateur, qui a dépassé les horizons américaniste et européaniste dont il est coutumier pour explorer des ethnographies provenant d’autres aires culturelles. Il a tenté ainsi de capter, dans un groupe de transformation d’obédience lévi-straussienne, ce moment où se nouent la relation à proprement parler sexuelle entre les hommes et les femmes dans plusieurs cultures de cette aire culturelle. L’exemple des Muria de l’Inde, et de son fameux dortoir des adolescents ouvre cette série de relectures ethnographiques. Une mixité collective y est de mise. Les Nagas possèdent une institution à bien des égards équivalente, où toutefois si les jeunes filles sont admises, elles ne sont pas censées rester à demeure. Le modèle se retrouve peu ou prou chez les Dayak, où l’on remarque que si la jeune fille habite encore dans la maison parentale, sa couche se trouve à proximité de la porte afin d’avoir toutes les facilités en vue de « s’échapper » la nuit pour retrouver ses amants, si l’on retient une perspective fonctionnaliste, ou pour occuper une position d’extériorité relative si l’on adopte une perspective structurale. On note une disposition assez proche chez les Kachin étudiés jadis par Edmund Leach, où la maison des chefs possède une large antichambre faisant office de lieu de rendez-vous amoureux nocturne pour adolescents. On retrouve également à travers toutes ses ethnographies le balcon ou le porche des greniers comme un des lieux favoris des rendez-vous extra-domestiques prémaritaux. Toutes ces pratiques se déchiffrent comme une initiation à l’intérieur d’une classe d’âge à l’acte sexuel, tel qu’il se pratiquera ensuite de façon constante et (consentante) dans l’état matrimonial. Le thème du grenier permet de conférer à cette initiation une valeur propiciatoire. Il est en effet clairement dit que le propriétaire du grenier se réjouit de ces rencontres charnelles qui s’accomplissent à proximité immédiate de ses récoltes. Plus globalement, l’interprétation du complexe a le mérite de dissoudre l’hapax que représenteraient les Naa de China, dont le territoire jouxte les aires concernées, en montrant qu’ils incarnent un état ultime du groupe de transformation, par rapport aux Muria sous le registre de l’opposition entre collectif et individuel, et par rapport aux Naga et aux Kachin, en fonction du lieu : la visite furtive est un prolongement dans la vie adulte de l’état d’initiation prémaritale. Elle se joue sous l’injonction de la double inversion du collectif et de l’extériorité de la maison parentale. La série des relectures s’est poursuivie en évoquant le cas des Siraya de Taiwan, où l’on observe là encore une distension extrême de la période prémaritale, et du Japon où, on décèlerait plutôt un refus d’entrer dans l’âge adulte, autrement dit de quitter une sexualité adolescente assez ludique pour celle, beaucoup plus austère et rigide, de la conjugalité ordinaire. Le séminaire examine enfin le cas de Tahiti qui prolonge la leçon asi-00atique sur certains points ou encore fait une brève incursion sur le terrain de l’ethnographie africaine pour remarquer que, dans ce dernier cas, on se situe dans des configurations complètement différentes.
Le séminaire a été enregistré tout au long de l’année par la Direction de l’image et de l’Audiovisuel de l’EHESS. L’orateur exprime sa gratitude à toute son équipe et en particulier à Simon Garrette qui a assuré l’enregistrement et la postproduction de ce séminaire. Il est ainsi possible de l’écouter en podcast sur le site suivant : https://soundcloud.com/user-897145586/sets/anthropologie-comparee-de-la.
Publications
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 15 novembre 2018.