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1er mercredi du mois de 9 h à 12 h (salle AS1_08, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 3 octobre 2018 au 5 juin 2019. La séance du 3 octobre se déroulera en salle AS1_24 (même heure, même adresse)
Bilel Benbouzid, maître de conférences à l’Université Paris Est Marne la Vallée (LISIS) participera à l'animation du séminaire.
Données, big data, algorithmes : le développement et la diffusion du « numérique » touchent des domaines variés, au moins dans le discours : marketing, finance, santé, urbanisme et transports… ce déploiement est au moins double : il est technique et discursif et s’accompagne d’un développement sociopolitique organisant les prérogatives des différents acteurs à plusieurs échelles, tout au long de la chaîne technique en un « écosystème », et misant sur l’opérationnalisation de ces données, déplaçant les discours de principe et les politiques publiques générales vers une action individuelle dont les contours et les conséquences restent à déterminer. Les modèles mobilisés sont ceux issus des laboratoires californiens, ceux des plateformes et de l’intermédiation.
L’ensemble est présenté comme radicalement nouveau, « disruptif », une « révolution ». Pourtant, par de nombreux aspects et au-delà des effets de discours, il semble prolonger, éventuellement instancier par le double jeu du « bon moment technologique » et d’un décentrage permanent caractéristique de ce mouvement, des phénomènes déjà décrits : dans le domaine de l’administration et des pouvoirs publics, prolonger le new public management, et contribuer à gommer les frontières pour certains acteurs ; dans le domaine de la représentation et de la gouvernance par des objets numériques et quantifiés, prolonger les constats de Foucault et de Desrosières ; dans le domaine de l’analyse du capital, prolonger les notions marxistes de vente contractuelle du temps libre, non plus sous forme d’un travail rémunéré, mais par la mise à disposition de services ; les décisions fondées sur les preuves ou sur les données, dans le prolongement des sondages d’opinion.
Enfin, des amalgames semblent se former : données, informations et savoirs semblent s’identifier et s’équivaloir, rendant floues les distinctions entre objets et faits scientifiques ou sociaux et alimentant matériellement les concepts de post vérité. La remise en avant des techniques d’intelligence artificielle tend également à rendre indistincts deux buts bien séparés : l’identification d’un objet scientifique, suivant un processus propre à une méthode scientifique, et l’ingénierie des données, relevant avant tout de l’outil et de l’efficience étant donné un problème ou une tâche spécifique.Le numérique est-il un outil de transformations des organisations et des rapports sociaux per se, auxquelles il faut être attentif, qu’il faut accompagner, ou bien est-il un nouvel instrument, technocratique et scientiste, de légitimation des discours des dominants et des mesures qu’ils tendent à imposer ?
Principe des séances :
Chaque séance s’articulera autour d’un thème donné et d’échanges entre les organisateurs, deux invités ou plus, et les auditeurs. Le point de convergence principal est de questionner ensemble, à partir des interventions proposées, les articulations entre dispositifs et discours techniques et environnements sociaux concernés. L’ensemble des interventions et des échanges en séance sera publié sous forme d’ouvrage à l’issue du séminaire.
Les objectifs du séminaire sont donc de donner la parole aux personnes concernées, de recueillir une pluralité des points de vue sur la question, d’observer « le fait social/scientifique à chaud », en train de se former ; de donner des clés actuelles et des repères ancrés dans la réalité concernant le déploiement du numérique et des algorithmes dans notre société.
Le fil rouge de chaque intervention sera : comment ça marche, dans quel domaine, qui ou quoi est mobilisé, qu’est-ce que cela change (en intention, ou selon les observations) pour les différents acteurs, ou non-acteurs directs, mais impliqués dans le déploiement des dispositifs socio-techniques.
Mercredi 3 octobre 2018 : Introduction au séminaire
Mercredi 7 novembre 2018 : Autour de la police prédictive, Bilel Benbouzid (maître de conférences, U-PEM/LISIS)
Quel sens accorder à la promesse « de prédire où et quand les crimes sont susceptibles d’avoir lieu » ? Comment les entreprises privées qui commercialisent des Software as a Service (SaaS) auprès de l’administration policière, sous la forme de cartographie prédictive et de tableau de bord analytique, se représentent-elles l’action publique de sécurité ? À quoi rêvent les développeurs des machines à prédire le crime (Cardon, 2015) ? Dans cette présentation nous proposons de répondre à ces questions en rentrant dans le contenu des applications numériques de la police prédictive. Les machines prédictives sont des technologies morales de gouvernement. Elles servent non seulement à prédire où et quand les crimes sont susceptibles d’avoir lieu, mais aussi et surtout à orienter, superviser et réguler le travail de la police. Elles calculent des rapports d’équivalence, en distribuant de la sécurité sur le territoire, selon de multiples critères de coûts et de justice sociale. Prédire le crime, c’est gérer les ressources policières et, dans le même temps, cadrer l’activité des agents de police dans la perspective de doser la quantité de sécurité optimale dans l’espace et le temps.
Nous nous intéressons à la dimension gestionnaire de la police prédictive en rentrant dans les détails de la fabrication de ces différentes métriques calculées par les algorithmes, non pas celles qui évaluent la qualité des modèles prédictifs, mais celles qui apportent une mesure quantifiable de la production de la sécurité par la police. Nous verrons que la police prédictive est une entreprise de rationalisation de l’administration dans la continuité du Compstat par la mise en place de métriques de « dosage » de la quantité du travail de la police. Ces métriques visent non seulement la hausse de la productivité de la police, mais aussi le renforcement de la légitimité politique qui lui est nécessaire auprès de la population. C’est en explorant la diversité des types de métriques, leurs façons de définir des priorités et d’optimiser la présence policière sur le territoire que nous pourrons saisir la manière dont les machines prédictives cherchent à transformer l’action de la police. Ce sera aussi l’occasion de comprendre comment, sous l’effet d’un mouvement critique dénonçant les biais discriminatoires des machines prédictives, les développeurs imaginent les techniques d’audit des données des bases d’apprentissage et les calculs de la quantité raisonnable de contrôle policier dans la population.
Bilel Benbouzid est sociologue à l’université Paris Est Marne la Vallée, membre du LISIS (Laboratoire interdisciplinaire sciences innovations et sociétés), et travaille dans les domaines de la sociologie des sciences et de l’innovation, la sociologie de l’action publique et la sociologie digitale. Il s’est notamment intéressé à la police prédictive et à la prévention situationnelle
Mercredi 5 décembre 2018 : Comment l’industrie et le secteur privé de la santé se représentent l’opportunité numérique ?, Christophe Richard (SANTEOS), Georges Uzbleger (IBM France)
Mercredi 6 février 2019 : Le numérique et les institutions publiques, Simon Chignard (ETALAB), Geoffrey Delcroix (CNIL), Magali Beffy (BCG, ex-DREES)
Mercredi 6 mars 2019 : l’humain augmenté et l’optimisation de soi : exemple de la nutrition, Sébastien Dalgalarrondo (Iris), Tristan Fournier (Iris)
Mercredi 3 avril 2019 : Sociologie du machine learning, Dominique Cardon (CSI), Dominique Boullier (EPFL)
Mercredi 5 juin 2019 : L’associatif, le DIY et le numérique : nouvelles formes de recherche, nouvelles formes de militantismes ? – en attente de confirmation
Mots-clés : Biopolitique, Épistémologie, Gouvernance, Humanités numériques, Informatique et sciences sociales, Intelligence artificielle, Mathématiques et sciences sociales,
Domaine de l'affiche : Sociologie
Intitulés généraux :
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Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 25 octobre 2018.