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1er, 3e et 5e mardis du mois de 17 h à 19 h (salle A06_51, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 6 novembre 2018 au 7 mai 2019
Nous allons développer l’opposition évoquée l’année dernière entre les deux paroles du passé juif : celle des historiens, représentée par la figure emblématique de Flavius Josèphe, et celle des rabbins, représentée dans la légende talmudique par Rabban Yohanan ben Zakaï et portée dans l’histoire par la littérature rabbinique classique. Le potentiel de cette dernière de produire des vérités sur le passé sera examiné. Qu’est-ce qui se passe lorsqu’on laisse la parole rabbinique raconter l’histoire de l’antiquité ? Comment elle pense l’inscription du mythe monothéiste dans l’ordre impériale qui donnera naissance aux moyens âges chrétien et musulman ? Quels sont les avertissements et les promesses qu’elle porte à l’avenir de son projet ?
Introduction
6 novembre 2018 : La distinction : rabbins et historiens. Deux paroles juives sur le passé. Deux fidélités à la vérité historique. Deux articulations du passé à l’ordre impérial. Pourquoi la parole rabbinique sur le passé doit nous intéresser aujourd’hui ?
20 novembre 2018 : Le procès du Talmud (1240s à Paris) et le premier numéro de la Revue des Études Juives (1880, toujours à Paris), Isidore Loeb et Arsène Darmesteter.
4 décembre 2018 : La résistance à la parole talmudique dans une perspective historique. En quoi la dimension orale de la littérature rabbinique classique est perturbante pour l’historien ? Le débat sur la transmission de la Mishnah (orale ou écrite) depuis l’antiquité jusqu’à nos jours.
18 décembre 2018 : L’ordre du monde : le temps et l’espace dans Seder Olam.
Halakha et Histoire
15 janvier 2019 : Le discours talmudique comme un genre historiographique. L’histoire comme conversation – articulation multigénérationnelle des bribes de parole. Étude : la première discussion du traité Horayotdu Talmud de Babylone.
29 janvier 2019 : Et si Jésus est né 140 ans plus tôt ? Les générations du monde du Ravad de Tolède (Abraham ibn Dawd, 1110-1180), et Les chroniques des rois français et ottomans de Josèphe Ha-Kohen (1496 Avignon-1575 Gênes)
5 février 2019 : L’histoire qui fait agir. Quelques exemples talmudiques. Introduction à Rabbi Menahem ben Zerah (XIIIe siècle, Navarre-Tolède) et son livre Provisions pour la route (צידה לדרך).
19 février 2019 : Provisions pour la route et les autres codes halakhiques du Moyen Âge. Comment commencer la journée ? Comment régler la vie ? Comment inscrire le mythe historique dans le présent et assurer sa transmission dans le temps ?
5 mars 2019 : La structure de Provisions pour la route – un chemin vers le salut, un programme pour la persévérance. Une version juive, rabbinique, médiévale, des Thèses sur le concept d’histoire de Walter Benjamin.
L’Entrée dans l’histoire
19 mars 2019 : La réponse théologique : Dieu a quitté les Juifs (c’est pourquoi les historiens en ont peur). Il les a quittés pour qui ? Une histoire talmudique sur les rabbins à Rome (Talmud Babylonien traité Meilah) et sa postérité juive et chrétienne au Moyen Âge (chez Raimond Martin et les poètes juifs de la famille d’Ahimaatz).
2 avril 2019 : Retour à l’histoire mythique. Le dieu, le peuple et son roi. L’inscription du dieu dans le temps – par le peuple et par la loi. Comment cela prend forme dans l’histoire mythique ? Le premier livre de Samuel – introduction.
16 avril 2019 : Le prophète Samuel et le premier messie – le roi Saül. Le prophète et le roi – deux modes d’inscription du mythe dans l’histoire.
7 mai 2019 : Un messie qui tient bon. L’avènement de David.
Mots-clés : Anthropologie culturelle, Anthropologie historique, Antiquité (sciences de l’), Culture, Droit, normes et société, Émotions, État et politiques publiques, Fait religieux, Histoire, Historiographie, Laïcité, Morale, Politique, Révolutions,
Aires culturelles : Byzantines (études), Europe, France, Juives (études), Méditerranéens (mondes), Musulmans (mondes), Transnational/transfrontières,
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations de l'Europe - Études juives
Intitulés généraux :
Adresse(s) électronique(s) de contact : ron.naiweld(at)ehess.fr
Pour montrer la pertinence de la question « Pourquoi les rabbins font peur aux historiens » et pour essayer d’y répondre nous avons entrepris deux démarches.
La première était de tracer quelques jalons de l’histoire de la réception de la parole rabbinique par le discours historique. Le point de départ était le tome « Les rabbins français » de Renan (1887) et sa manière de justifier l’inclusion des rabbins dans la collection prestigieuse Histoire littéraire de la France dont ce tome fait partie. Renan écrit que la contribution des rabbins médiévaux à l’esprit Français était pratiquement inexistante, mais puisque les éditeurs des tomes précédents ont décidé de consacrer quelques pages aux rabbins ayant vécu en France, et que ces pages étaient remplies d’erreurs et d’inexactitudes, il est obligé de reprendre le dossier. Il donne une autre raison – que « nos israélites », qui sont entrés dans la nation depuis un siècle, puissent se retrouver dans l’histoire de la France.
Nous avons examiné ensuite les autres volumes de l’Histoire littéraire de la France qui parlent des rabbins, le premier étant le volume 9 qui couvre le début du XIIe siècle. Il est publié en 1750 lorsque la collection est encore dirigée par les Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Les autres volumes sont publiés à partir du 1814, lorsque la collection est reprise par l’Académie des inscription et belles-lettres. Nous avons examiné les justifications données à l’inclusion des rabbins dans chacun des volumes qui en font mention.
Nous avons également examiné la manière dont le procès du Talmud qui a eu lieu à Paris en 1240 a été traité dans le premier numéro de la Revue des Études Juives, publié en 1880. Comment les fondateurs de la nouvelle vague des sciences juives en France ont traité cet événement charnière qui a solidifié le statut du talmud dans le monde chrétien et juif ? Nous avons pu constater que le traitement n’était pas univoque. À côté de l’approche obséquieuse d’Isidore Loeb (pour qui le seul responsable de l’affaire Nicolas Donin, le juif converti qui a incité le Pape à confisquer le Talmud), on trouve une approche bien plus polémique d’Arsène Darmesteter qui, s’inspirant de H. Graetz, met en cause l’Église et Louis IX.
La seconde démarche consistait en une tentative de réveiller la parole rabbinique en français à travers l’acte de la traduction. Le premier texte que nous avons traduit était l’introduction écrite par Menahem ben Zerah à son livre Provisions pour la route. Menahem écrit son livre à Tolède dans la deuxième moitié du XIVe siècle, mais il est français d’origine – sa famille a été chassée de France pendant l’expulsion de 1306. En lisant l’introduction et en la contextualisant, nous avons pu examiner ce qui semble être un concept assez surprenant d’histoire venant d’un juif du XIVe siècle. Nous avons discuté de la notion de sa « transmission » et la place qu’il a dans son concept d’histoire. Nous avons également évoqué la manière dont les paroles bibliques et rabbiniques se fondent dans le discours de Menahem. Presque aucune citation n’est précisée, délimitée, signalée. Son texte est un amassement de paroles qui datent d’au moins le deuxième siècle de notre ère jusqu’à ses jours (il cite beaucoup un de ses maîtres, Yaaqov ben Asher, l’auteur de 4 Tourim).
Nous avons abordé d’autres codes halakhiques du siècle précédent. Un d’eux était Le livre des commandements de Moïse de Coucy, écrit vers 1250. Le livre évoque l’attente messianique autour de l’an 1240 du calendrier chrétien (qui est l’an 5000 depuis la création du monde selon le calendrier juif, accepté aussi par les chrétiens). Le Livre de Moïse étant une des sources principales de Menahem ben Zerah, nous avons pu constater comment le concept d’histoire du dernier est lié aux attentes messianiques exprimées par le premier.
Nos dernières séances ont été consacrées au commentaire de Rashi sur le Cantique des Cantiques.
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 18 octobre 2018.