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Jeudi de 13 h à 15 h (INHA, salle Walter Benjamin, 2 rue Vivienne 75002 Paris), du 8 novembre 2018 au 23 mai 2019
La première partie de l’année sera consacrée à l’étude des rapports entre absentéisme et démocratie dans l’Athènes classique. Il s’agira d’interroger, par son envers, la question de la participation politique : à quelle fréquence, à quelles échelles et avec quelle intensité les citoyens s’impliquaient-ils dans leur politeia ? Cette enquête sera l’occasion de revenir sur la définition même de la citoyenneté en Grèce ancienne.
Mené en collaboration avec Paulin Ismard, le séminaire s’arrêtera ensuite sur un terrain d’enquête précis : la guerre civile athénienne de 404/3 av. J.-C. Dans sa brutalité, l’événement donne à voir la reconfiguration des différentes composantes de la communauté civique. On s’attachera à cerner, au plus près des sources anciennes, les rapports entre individu et communauté, en mobilisant la figure du chœur.
Mots-clés : Anthropologie historique, Antiquité (sciences de l’), Citoyenneté, Démocratie, Histoire, Philosophie politique, Politique,
Aires culturelles : Méditerranéens (mondes),
Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire annuel (48 h = 2 x 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Anthropologie historique
Intitulés généraux :
Renseignements :
sur rendez-vous par courriel.
Direction de travaux d'étudiants :
sur entretien et présentation d'un projet de recherche.
Réception :
hebdomadaire annuel (48 h = 2 x 6 ECTS).
Niveau requis :
ouvert à tous les étudiants et chercheurs.
Site web : http://www.anhima.fr/spip.php?article53
Adresse(s) électronique(s) de contact : vincent.azoulay(at)ehess.fr
La première partie du séminaire a été consacrée à l’étude des rapports entre absentéisme et démocratie dans l’Athènes classique. Il s’est agi d’interroger, par son envers, la question de la participation politique : à quelle fréquence, à quelles échelles et avec quelle intensité les citoyens s’impliquaient-ils dans leur communauté ? Les premières séances ont cherché à sortir de la tenaille dans laquelle l’interprétation du phénomène démocratique est souvent prise : d’un côté, les politistes et philosophes ont tendance à imaginer une démocratie athénienne exigeant des citoyens une implication de haute intensité, allant même jusqu’à punir ceux qui refusaient de s’engager ; d’un autre côté, les historiens soulignent volontiers – sans toujours en tirer les conséquences – que les lieux du politique dans l’Athènes classique n’étaient pas conçus pour accueillir l’ensemble du corps civique : au Ve siècle, la Pnyx – où se déroulaient les Assemblées populaires – ne pouvait ainsi accueillir qu’à peine 10 à 15 % des citoyens. Modèle ultra-participatif, d’un côté, absentéisme massif, voire apathie populaire, de l’autre : l’écart est immense et demandait à être interrogé.
Les séances suivantes ont cherché à montrer combien ces deux modèles (participatif ou apathique) se nourrissent l’un l’autre : la définition hyper-participative de la cité athénienne alimente symétriquement la vision apathique du régime démocratique, puisque toute abstention apparaît immanquablement comme une faute, une insuffisance, voire une défection. À rebours de cette vision déchantée, une étude fine du fonctionnement institutionnel athénien a permis de montrer que l’absentéisme ne fut jamais conçu comme un problème politique. Mieux encore, plusieurs séances ont souligné à quel point cette vision ultra-participative (ou apathique) de la cité grecque renvoyait en réalité à une conception oligarchique du politique : c’est en effet seulement dans les oligarchies que l’on obligeait les citoyens (restreints à un petit groupe) à se dévouer entièrement au bien de la communauté (sous peine d’amendes), tout en laissant prospérer l’apathie dans le reste de la communauté.
Menée en collaboration avec Paulin Ismard, la seconde partie du séminaire (à partir de février) s’est ensuite arrêtée sur un terrain d’enquête précis : la guerre civile athénienne de 404/3 av. J.-C. À titre d’hypothèse de travail, nous avons proposé de saisir les recompositions de la société athénienne à travers la figure du chœur, en mobilisant une catégorie employée par les acteurs eux-mêmes.
Les premières séances ont cherché à clarifier l’usage que nous entendons faire de la choralité – car les Grecs eux-mêmes n’en avaient pas tous la même conception. Pour reconstruire les multiples collectifs qui composaient la cité athénienne en crise, nous avons élaboré progressivement une démarche expérimentale, consistant à partir d’un individu jouant le rôle de coryphée (le chef de chœur) pour tâcher ensuite de reconstituer les différents cercles qui l’entouraient et qui se recomposaient au gré des événements. Nous avons ainsi essayé de saisir la dynamique des « chœurs » hétéroclites qui s’agrègent provisoirement autour de Thrasybule et de Critias – deux acteurs majeurs de la guerre civile –, enflant ou, au contraire, rétrécissant au gré des circonstances. Surtout, nous avons cherché à mettre en lumière des figures plus inattendues qui, précisément, déjouent la supposée bipartition de la vie politique entre « démocrates » et « oligarques » : tel est le cas, en particulier, de ces étranges « centristes », venus des deux camps, qui s’agrègent autour d’Archinos, l’un des chefs de « ceux du Pirée », peu après la réconciliation.
Mais pour échapper à l’histoire des grands hommes, nous avons également mis en place un dispositif qui assure une oscillation entre deux types de « chefs de chœurs » au profil bien différent. De façon attendue, plusieurs séminaires se sont intéressés à des coryphées au sens fonctionnel du terme, c’est-à-dire des individus qui, de facto, exercent une influence structurante sur les groupes qui les entourent, à l’instar de Critias, Thrasybule, Archinos ou encore la prêtresse d’Athéna Lysimachè. Toutefois, le séminaire a également mis en valeur des individus qui n’exercent aucune influence notable sur ceux qui leur sont proches, mais dont la figure bénéficie d’un éclairage documentaire suffisant pour pouvoir reconstituer les différents chœurs dans lesquels ils évoluèrent : l’ancien esclave Gerys ou le travailleur pauvre Euthéros en sont autant de cas d’espèce, étudiés tour à tour.
Cette oscillation entre figures structurantes et vies minuscules a été une façon de formuler, sous la forme d’une tension irrésolue, notre interrogation sur la nature de la communauté athénienne, telle qu’elle apparaît à la faveur de la guerre civile. C’est là une manière d’étudier, au ras du sol et sans hiérarchie préétablie, non la société athénienne – comme si celle-ci existait comme une substance –, mais ses mécanismes de composition et de recomposition, activés par l’événement et mis en lumière par lui.
Publications
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 7 septembre 2018.