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2e et 4e lundis du mois de 17 h à 19 h (salle 11, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 12 novembre 2018 au 27 mai 2019. Séance supplémentaire le 17 juin 2019 (même heure, même salle)
Le séminaire porte sur la question des ressources naturelles. L’objectif de cette année est de s’intéresser aux interactions qui existent dans l’exploitation de ressources différentes, qu’il s’agisse de leur production ou de leur consommation. Un exemple simple, étudié les années précédentes : les espèces végétales sont une ressource indispensable mais elles sont aussi prédatrices car développées par l'homme aux dépens d'autres espèces et du sol lui-même. Le séminaire étudiera ces questions en privilégiant l’exemple des mines et de la forêt (bois), à partir de multiples exemples historiques, du néolithique à nos jours. Ces deux ressources sont intéressantes à étudier pour elles-mêmes mais aussi pour leurs différences. Si le bois est une matière en partie renouvelable, les mines constituent à l’inverse une richesse non renouvelable. Elles sont également en bien des points soit complémentaires – la disponibilité du bois est par exemple indispensable pour le travail des mines –, soit rivales – le charbon s’affirme dès le XVIe siècle comme un substitut efficace au bois. Les arbitrages dans l’exploitation et la consommation de ce type de ressources relève de choix faits en fonction d’impératifs économiques et technologiques mais ils renvoient aussi, et surtout, à la façon dont chaque société appréhende son environnement en termes politiques, culturels voire symboliques afin d’élaborer un équilibre écologique à chaque fois singulier.
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations de l'Europe
Intitulés généraux :
Adresse(s) électronique(s) de contact : jean-yves.grenier(at)ehess.fr
L’objectif du séminaire était d’étudier la question de l’épuisement des ressources naturelles et celle des multiples effets (techniques, sociaux, économiques et environnementaux) que produit leur exploitation (en particulier les mines et les forêts). Le premier constat est le manque de lucidité, en particulier à l’époque moderne mais pas seulement, quant au degré de cet épuisement. Un exemple est celui des ressources halieutiques au XVIIIe et au début du XIXe siècle avec les questions soulevées par la « disette du poisson » (Romain Grancher, CNRS). De façon générale, ces inquiétudes sont fréquentes au siècle des Lumières qui voit se multiplier les débats sur le déclin des moyens disponibles (dépopulation, déforestation, etc.).
L’épuisement des ressources en bois dans les sociétés préindustrielles a été abordé à propos de trois exemples. Le premier concerne l’exploitation des mines d’argent en Dauphiné entre le Xe et le XIIIe siècle, et les usages forestiers qu’elle implique. L’archéobotanique montre en particulier l’importance de l’usage du bois, même si l’anthropisation des espaces où se situent les mines semble beaucoup plus liée à l’agropastoralisme qu’aux activités minières (Vanessa Py, GEODE-CNRS). Le second exemple porte sur la consommation de bois en France au XVIIIe siècle. Le recul des forêts préoccupe les esprits du temps – elle fait toujours débat parmi les historiens aujourd’hui. Il en résulte une démarche typique des Lumières. D’abord, un effort de connaissance dont témoignent les deux mémoires de Buffon à l’Académie des sciences sur la conservation (1739) et la culture (1742) des forêts afin d’apprendre à gérer une ressource renouvelable mais épuisable, effort qui conduit les élites à mettre en doute la soutenabilité du modèle énergétique de l’Ancien Régime à long terme. Ensuite, dès les années 1720, des tentatives de l’État pour contrôler la consommation, en soumettant par exemple à une autorisation administrative de nouveaux défrichements ou l’installation de « fourneaux à fer » et de verreries. Avec une même inquiétude quant à la soutenabilité de l’exploitation intensive des forêts, l’État vénitien poursuit lui aussi, dès le XVIe siècle, une politique de régulation de la ressource en bois afin d’assurer la pérennité des activités de son Arsenal (Christophe Austruy, EHESS).
Dans bien des cas, l’exploitation d’une ressource engendre une transformation profonde et durable de la société elle-même. C’est le cas avec l’ouverture des mines d’argent du Potosi à partir de 1545 (Pablo Luna, Université Paris IV). L’exploitation de cette mine située en haute altitude (entre 3300 et 3800 m) soulève de nombreuses difficultés (en particulier techniques avec le passage des fours indigènes à l’amalgamation) qui provoquent une transformation de la société locale avec l’exclusion progressive des petits entrepreneurs et une nouvelle configuration agraire. L’objectif est de fournir une main d’œuvre soumise et abondante, soumission dont le régime de la mita est l’illustration.
Le séminaire s’est, en conclusion, interrogé sur le lien qui existe aux époques plus contemporaines entre l’épuisement d’une ressource et la rationalité de son exploitation. Les liens sont complexes à établir et parfois contradictoires comme l’ont montré les cas étudiés. Ainsi au début de ce siècle, d’après les images satellites, le Népal ne montre aucun signe de déforestation malgré une croissance du revenu par habitant, ce qui l’oppose aussi bien au Brésil à la même période qu’aux États-Unis au début du siècle dernier, pays où les inquiétudes se multiplient quant à l’épuisement du bois d’œuvre, au point que Théodore Roosevelt, dans son adresse de 1905 au National Forestry Congress, se demande s’il faut encore considérer la forêt américaine comme une ressource naturelle plutôt que comme une ressource civilisationnelle. La problématique du réchauffement climatique a introduit un paramètre supplémentaire comme l’a montré le cas de la répartition des actifs au sein de l’assurance-vie française aujourd’hui, déterminée à la fois par un souci de rentabilité qui entrevoit le pétrole et le charbon comme des actifs ordinaires, et une exigence éthique qui conduit au contraire à les bannir (Michel Lepetit, Shift Project).
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 7 novembre 2018.