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Mardi de 15 h à 17 h (salle 2, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 13 novembre 2018 au 12 février 2019
Depuis leur fondation dans la seconde moitié du XIXe siècle, les sciences sociales promettent de nous offrir une connaissance empiriquement fondée du monde humain, nécessaire pour une meilleure intelligence des mécanismes de la vie collective. Dans le même temps, elles nourrissent l’espoir que cette connaissance sera à même d’améliorer le monde humain, contribuant à faire sinon disparaître, du moins atténuer toute sorte de phénomènes délétères, tels les discriminations, injustices, inégalités, exploitations économiques, déprédations écologiques, dominations symboliques, persécutions politiques, préjugés de classe, de race et de genre, etc. Il arrive souvent que la connaissance de l’homme et de la société soit tenue pour un simple moyen, cependant que la transformation méliorative de l’homme et de la société devienne la véritable fin du travail de recherche. Il s’agit là d’un pari fondateur des sciences sociales, responsable de la plupart des attentes dont on a pu les investir.
Cette double quête a amené les chercheurs en sciences sociales à échafauder des théories explicatives assorties d’ambitieuses visions du monde. Ces dernières véhiculent tout un ensemble de représentations cosmologiques, analogues à celles que les anthropologues étudient de longue date sur des terrains extra-occidentaux, pour les employer comme des matrices d’intelligibilité qui donnent accès à la compréhension des discours et pratiques indigènes. En cherchant à reconstituer les cosmologies dissimulées derrière les constructions théoriques, le séminaire présentera une série d’études de cas, chacune consacrée à une théorie classique des sciences sociales. On explorera successivement trois contextes nationaux (britannique, américain et français) dans la période allant du milieu du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Les exemples choisis seront empruntés à l’anthropologie, la sociologie, l’histoire, la linguistique et les études sur les sciences. L’objectif est de montrer que l’approche cosmologique permet de jeter une lumière nouvelle sur la production et la réception des savoirs des sciences sociales, faisant ressortir tout ce que ces savoirs doivent non seulement aux données factuelles, mais également aux contextes culturels qui les ont fait naître.
Le séminaire s’adresse aux étudiants intéressés par l’anthropologie des savoirs, l’histoire culturelle et la sociologie des sciences, ou l’épistémologie des sciences sociales.
Mots-clés : Analyse de discours, Anthropologie sociale, Argumentation, Cognition, Cosmologie, Épistémologie, Études des sciences contemporaines, Histoire des sciences et des techniques, Savoirs,
Aires culturelles : Amérique du Nord, Europe,
Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire semestriel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Intitulés généraux :
Renseignements :
par courriel.
Direction de travaux d'étudiants :
sur rendez-vous.
Réception :
sur rendez-vous.
Site web : http://ehess.academia.edu/WiktorStoczkowski
Site web : http://las.ehess.fr/index.php?1412
Adresse(s) électronique(s) de contact : stoczkow(at)ehess.fr
Depuis plusieurs années le séminaire se propose de prendre les savoirs des sciences sociales pour objet d’enquête ethnologique.
Les sciences sociales présentent une innovation relativement récente dans la longue histoire de la tradition occidentale : elles n’ont été institutionnalisées qu’à partir du milieu du XIXe siècle. Dès cette époque, les projets qui leur ont permis de gagner rapidement une légitimité comportaient une double visée : d’une part, construire une connaissance objective du monde humain ; d’autre part, employer cette connaissance pour apporter au monde humain des améliorations radicales.
Ces deux ambitions ont été systématiquement tenues pour complémentaires et compatibles : la connaissance de l’homme et de la société devait être un moyen ; la transformation de l’homme et de la société en était la fin. Il s’agit là d’un pari fondateur des sciences sociales, responsable de la plupart des espoirs dont on a pu les investir. Je me suis employé à montrer que cette double quête a souvent amené les chercheurs en sciences sociales à échafauder d’ambitieuses conceptions cosmologiques, qui servent d’infrastructures axiomatiques à la fois aux enquêtes empiriques et aux hypothèses théoriques.
Au fil des explorations présentées dans le séminaire, mon attention s’est progressivement fixée sur quelques œuvres qui proposent des « grandes théories ». Sans être quantitativement représentatives de toutes les productions auxquelles aboutit le travail des sciences sociales, ces « grandes théories » en constituent les produits les plus prestigieux : ce sont elles qui sont largement citées, célébrées, admirées, parfois contestées ; ce sont elles qui alimentent les débats et les polémiques, ce sont elles qui suscitent de nouvelles vocations, servent de modèles, et valent aux sciences sociales tantôt des éloges dithyrambiques, tantôt de violentes réprobations.
À travers une série d’études détaillées de cas, j’ai tenté de montrer que les grandes théories des sciences sociales – outre des savoirs empiriquement fondés, pourvus de vertus heuristiques – débouchent souvent sur des conceptions cosmologiques, analogues à celles que les anthropologues avaient étudiées sur des terrains extra-occidentaux, pour les employer comme matrices d’intelligibilité donnant accès à la compréhension des discours et pratiques indigènes. Les visions du monde sous-jacentes aux théories des sciences sociales contribuent tantôt à proposer des cosmologies partiellement nouvelles, tantôt à modifier considérablement des conceptions cosmologiques héritées du passé.
Les études de cas présentées en 2018-2019 portaient sur plusieurs disciplines (anthropologie culturelle, sociologie, histoire), ainsi que sur divers contextes nationaux (France, Grande-Bretagne, États-Unis) et historiques (seconde moitié du XIXe siècle, première et seconde moitiés du XXe siècle, début du XXIe siècle). L’un des objectifs de ces études était d’illustrer un double héritage conceptuel dont les sciences sociales sont tributaires : d’un côté, un legs philosophique, avec son modèle du grand système explicatif et sa démarche dialectique ; de l’autre, un legs chrétien, avec son intérêt pour la question des causes du mal qui affecte le monde humain et pour le problème de l’abrogation du mal.
La dernière séance du séminaire a été consacrée à la présentation par les étudiants de leurs propres analyses des présupposés cosmologiques discernables dans des travaux de sciences sociales choisis parmi ceux qui les ont particulièrement fascinés (Franz Boas, Raymond Boudon, Pierre Bourdieu, Marcel Mauss, Jean-Pierre Vernant, Max Weber, etc.).
Publications
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 15 novembre 2018.