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Un jeudi par mois de 14 h 30 à 17 h 30 (ENS, campus Jourdan, salle R3-35, 3e étage, bât. Oïkos, 48 bd Jourdan 75014 Paris), les 29 novembre 2018, 24 janvier, 21 mars et 16 mai 2019
L’analyse de la « conversion » est réputée participer de l’exploration du champ religieux. La conversion apparaît en effet comme une modalité d’éprouvement du religieux particulièrement adaptée aux caractéristiques contemporaines de celui-ci (individualisation, pluralisation de l’offre religieuse, possibilité pour le « sujet croyant » de maximiser les avantages recherchés dans la conversion du fait de la nature hautement concurrentielle du marché religieux).
L’objectif du séminaire, dans la continuité de ce qui a été fait les années précédentes sera de réintroduire la conversion dans une sociologie générale, de ne donc pas limiter son approche au seul domaine religieux, mais de l’étendre aux situations de changement radical dans l’identité, tels par exemple les changements d’allégeance politique ou de paradigmes scientifiques.
Mots-clés : Fait religieux, Politique, Religieux (sciences sociales du), Sociohistoire, Sociologie,
Aires culturelles : Transnational/transfrontières,
Suivi et validation pour le master : Mensuel annuel/bimensuel semestriel (12 h = 3 ECTS)
Domaine de l'affiche : Sociologie
Intitulés généraux :
Renseignements :
pour toute information complémentaire, contacter Arlette Mollet au Centre Maurice-Halbwachs.
Direction de travaux d'étudiants :
sur rendez-vous.
Réception :
sur rendez-vous.
Adresse(s) électronique(s) de contact : patrick.michel(at)ehess.fr, jpheurtin(at)unistra.fr, jean-philippe.heurtin(at)misha.fr, amollet(at)ens.fr
Le séminaire avait pour objectif d’interroger cet objet obscur qu’est la conversion. Au cours de l’année 2018-2019, quatrième et dernière année de son existence – ce qui conduit à en ébaucher ici un bilan – ce séminaire a notamment accueilli Yannick Fer, sur la conversion en milieu pentecôtiste ; Laurent Kestel, sur la conversion au fascisme de Jacques Doriot ; et Laurent Bonelli, sur la conversion au djihadisme, ou plus précisément sur la fabrique de la radicalité.
La conversion s’appréhende habituellement par référence à un univers religieux dans lequel son inscription semble s’imposer. Cette inscription conditionne sa forme : la conversion, pensée comme religieuse, apparaît comme un moment de rupture, tant instantanée que totale, entre un avant et un après. Éprouvée comme un mouvement essentiellement individuel, elle est réputée engager l’être tout entier.
Les auteurs qui ont travaillé sur la conversion religieuse s’accordent toutefois sur l’idée que cette imagerie ne correspond qu’assez partiellement à l’analyse du phénomène, apportant, en réalité, plus d’éléments sur la personne du converti que sur la conversion elle-même. D’où l’appel à se pencher sur d’autres registres où la catégorie de conversion tend à faire sens, pour les convertis comme pour l’observateur, s’agissant de situations caractérisées par un changement radical de l’identité. Tel a été le point de départ du séminaire.
Ce que celui-ci a permis de mettre en évidence au cours de ces quatre ans, et sur des terrains très divers, c’est en premier lieu que les « conversions » participent d’un temps long, de sorte que c’est bien plus à des processus qu’à un moment que l’on a affaire ; qu’il s’agit de phénomènes dont l’épreuve est de surcroît parfois longtemps réitérée. Ainsi, les conversions apparaissent-elles comme des phénomènes beaucoup plus labiles que ce qu’elles donnent habituellement à voir, éventuellement réversibles, mais surtout globalement instables, ouvrant à des allers-retours ou à des conversions successives. Ce qui n’est pas sans conséquence en termes de réflexivité des convertis.
En deuxième lieu, à rebours de l’appréhension ordinaire de la conversion comme expérience individuelle, celle-ci, phénomène de socialisation, requiert un collectif d’attestation. Cette dimension d’intégration sociale est ainsi essentielle. La conversion s’avère, dès lors, nécessairement publique, comme l’atteste l’impératif de sa réitération, dans la confession comme dans le récit. Cette réitération est la condition d’existence même d’un groupe d’attestation de la conversion – épousant les contours de ce que Berger et Luckmann appelaient une « structure de plausibilité ». Cette structure devait, à leurs yeux, « devenir le monde de l’individu, déplaçant tous les autres mondes, particulièrement le monde que l’individu a “habité” avant son alternation ». Ce qui est susceptible d’entraîner une ségrégation par rapport aux habitants des autres mondes. Ainsi les conversions s’accompagnent-elle souvent d’une transformation de la sociabilité – de sorte qu’en bien des cas, on ne sait si la conversion doit être vue comme une transformation interne du converti ou comme un changement du groupe de référence. Pour le dire autrement : la « transformation de la réalité » qu’énonce la conversion n’est pas un effet de celle-ci, mais bien plutôt sa cause.
Un troisième aspect que l’on doit mettre en exergue tient à la nature de la rupture qu’entraîne la conversion. Quelle que soit l’hétérogénéité des modalités de la conversion, une dimension commune est identifiable, tenant à la radicalisation du rejet du monde existant. La conversion vise toujours à se détourner d’un ordre social (mais aussi parfois d’un paradigme ou d’une idée sur lesquels se construit ou auquel réfère cet ordre social), afin de manifester une « valeur » qui n’y serait pas actuellement réalisée. C’est là souligner la composante éminemment critique de la « conversion », dont les conditions de possibilité restent à explorer.
Enfin, mais sans surprise, même quand le religieux est invoqué et mobilisé, la nature fondamentalement religieuse de l’entreprise de conversion peut se voir interrogée, dès lors que sa vocation apparaît prioritairement, fut-ce par le biais d’une instrumentalisation du religieux, de reconstruire une totalité.
La publication d’un collectif présentant les acquis de la réflexion conduite lors des quatre ans du séminaire est en préparation.
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 6 août 2018.