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Histoire du Japon moderne et contemporain : permanences et ruptures

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

Jeudi de 11 h à 13 h (54 bd Raspail 75006 Paris), du 15 novembre 2018 au 6 juin 2019. Cf. calendrier des séances et salles ci-dessous

Ce séminaire a pour objectif de présenter des recherches novatrices et des travaux récents en sciences humaines et sociales sur le Japon moderne et contemporain. Les conférences seront données par des membres du Centre de recherches sur le Japon et par des intervenants extérieurs. Les thèmes abordés iront de l'histoire à la sociologie en passant par l'économie, l’anthropologie, l'éducation, ou encore l'insertion du Japon dans diverses dimensions internationales. Le séminaire s'adresse à tous les étudiants de niveau master ou doctorat qui souhaitent approfondir leurs connaissances de la civilisation du Japon, et aux auditeurs libres, après accord des responsables. Les conférences se tiendront en français, en japonais avec traduction française, ou en anglais.

Ce séminaire est complémentaire de Société et culture du Japon contemporain.

Jeudi 15 novembre 2018 (salle A07_37) : Susan Burns (Université de Chicago), « Gender and Law in the Japanese Imperium », séance dédiée à la mémoire de Barbara J. Brooks

Jeudi 6 décembre 2018 (salle A07_37) : Daniel Struve (Université Paris Diderot), « Le conte marchand d’Ihara Saikaku (1642-1693) »

13-15 décembre 2018 : 13e colloque de la Société française des études japonaises (SFEJ)

Jeudi 17 janvier 2019 (salle A07_37) : Laurent Nespoulous (INaLCO), « Guerriers dans la brume : la violence et ses spécialistes entre mythe et réalité à la fin de Préhistoire au Japon »

Jeudi 7 février 2019 (salle A06_51) : Doreen Muller (Université de Leiden), « Charitable Townspeople and Grateful Beggars: Remembering Famine in Nineteenth-Century Kyoto »

Jeudi 21 février 2019 (salle AS1_23) : Aleksandra Kobiljski  (EHESS/CRJ), « La dose et le poison : pollution industrielle et la contestation écologique dans le Japon moderne »

Jeudi 7 mars 2019 (salle A06_51) : Sandra Schaal (Université de Strasbourg), « La garçonne japonaise : représentations discursives et fantasmatiques d’une icône moderne »

Jeudi 21 mars 2019 (salle A06_51) : Guillaume Carré (EHESS/CRJ), « Des Japonais “plus rusés que jamais” : la Corée face à la menace japonaise, 1530-1590 »

Jeudi 4 avril 2019 (salle A06_51) : Mikael Adolphson (Université de Cambridge), « Buddhism and Violence in Medieval Japan : The Ideological Context »

Jeudi 18 avril 2019 (salle A05_51) : Arthur Mitteau (Paris Diderot/EHESS), « De Fenollosa au kokubungaku : jalons pour une histoire de l’esthétique au Japon de 1873 à 1925 »

Jeudi 16 mai 2019 (salle A06_51) : Watanabe Kôichi  (Institut national de littérature japonaise), « Les catastrophes naturelles à l’époque d’Edo »

Jeudi 6 juin 2019 (salle A06_51) : Robert Stolz (Université de Virginie), « Fascism and the Afterlives of Feudalism »

Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Intitulés généraux :

  • Guillaume Carré- Histoire économique et sociale du Japon prémoderne, XVIe-XIXe siècle
  • Centre : CCJ-CRJ - Centre de recherches sur le Japon

    Renseignements :

    contacter les enseignants par courriel.

    Direction de travaux d'étudiants :

    les étudiants peuvent prendre rendez-vous par courriel.

    Réception :

    les étudiants peuvent prendre rendez-vous par courriel.

    Adresse(s) électronique(s) de contact : aleksandra.kobiljski(at)ehess.fr, carre(at)ehess.fr

    Compte rendu

    Dans son édition 2018-2019, le séminaire a regroupé onze interventions de chercheurs et chercheuses spécialistes du Japon, afin de dépeindre au mieux l’actualité des recherches universitaires dans ce champ historiographique. Si, dans ce compte rendu, nous ne reviendrons pas individuellement sur chaque séance, nous essaierons de tracer les apports méthodologiques et épistémologiques des différentes interventions lors de cette année de séminaire.

    La particularité du séminaire, dans nombreuses séances, est d’avoir eu le souci de présenter les recherches historiques sur le Japon comme autant d’entrelacements interdisciplinaires, recourant à l’anthropologie (notamment lors de la conférence de Laurent Nespoulous) ou à l’histoire des arts (Doreen Muller). Cet entrecroisement des sciences sociales a toujours été abordé par un point de vue exigeant, ancré dans un terrain – qu’il soit fait de terre, comme dans les recherches de Laurent Nespoulous, ou de papier, comme dans l’étude archivistique menée par Watanabe Kôichi sur les inondations à l’époque d’Edo. À ce titre, il est important de souligner que si les chercheurs et chercheuses invités ont présenté des recherches innovantes, tant du point de vue de l’élection d’un angle d’étude que de l’investissement de nouvelles historiographies.

    La sélection des intervenants et intervenantes a également permis de mettre en avant non seulement des jeunes chercheurs et chercheuses au même titre que des figures renommées des études japonaises, mais également de faire dialoguer au sein de la continuité d’un même séminaire des traditions et périodisations historiographiques très diversifiées. À ce titre, la séance consacrée au travail de Laurent Nespoulous, portant sur les manifestations de la violence entre la fin de la préhistoire et le début de la protohistoire, a permis de mettre en avant l’archéologie, discipline souvent cloisonnée et parfois étrangère aux universitaires travaillant majoritairement sur les périodes modernes et contemporaines. Dans cette même veine, il était également particulièrement intéressant de voir la représentation de courants historiographiques issus de la seconde moitié du XXe siècle, et investissant une relecture de l’histoire sociale à travers de « nouvelles » catégories d’analyse, notamment à travers l’histoire du genre (Susan L. Burns, Sandra Schaal) et l’histoire environnementale (Watanabe Kôichi, Aleksandra Kobiljski). Dans leurs interventions, ces chercheuses et chercheurs ont démontré que ces spécialisations en termes d’angles de recherche ne se résumaient pas à un apport factuel sur des sujets jusque-là peu investis par l’historiographie, mais appelaient à concevoir de nouvelles manières de faire de l’histoire.

    Dans nombre de conférences, les chercheurs ont mentionné un impératif de déconstruction, qu’il s’agisse de prénotions savantes, de précédents historiographiques ou de discours politiques. Toutefois, cette démarche dépasse une simple approche constructiviste, pour proposer de nouveaux paradigmes épistémologiques. À ce titre, deux séances du séminaire ont été particulièrement intéressantes pour leurs apports méthodologiques dans la création d’un projet de recherche.

    Lors de la séance intitulée « Buddhism and Violence in Medieval Japan : The Ideological Context », Mikael Adolphson s’est livré à une revisite de l’image du « sohei » dans les travaux universitaires contemporains mais également dans la culture populaire japonaise. Là où certains chercheurs et chercheuses avaient vu dans des tableaux représentant des images typifiées de sohei la preuve de l’existence sociale d’une telle catégorisation de moins bouddhistes recourant à la violence, Mikael Adolphson a développé une nouvelle approche méthodologique, inspirée de la philosophie des sciences poppérienne : en recourant au principe de falsifiabilité, il préconise non pas de recourir aux archives comme preuves d’une démonstration pré-conceptualisée, mais de se livrer à une analyse détaillée du contexte de production de ces images pour démontrer les logiques sociales, politiques et économiques à l’œuvre derrière ces phénomènes de représentation, de sorte que le chercheur doit avant tout prendre en compte les matériaux qui ne confirment pas sa thèse de départ, pour s’y confronter et ouvrir son analyse. La relecture de la figure du sohei par Mikael Adolphson a ainsi permis de mettre en évidence la nécessité de la revisite historiographique par de nouvelles méthodes de recherche, afin de montrer le caractère horizontal des pratiques de violences dans le Japon médiéval, et non leur polarisation dans certains idéaux-types mythifiés. Cette démarche suppose un travail de recherche émergeant des archives et embrassant leurs paradoxes et contradictions internes afin d’en faire l’objet même de l’étude historique – on peut retrouver dans cette perspective le mantra de l’historienne et anthropologue Ann Laura Stoler, qui recommande de travailler « along the archival grain », le long du grain de l’archive, sans être pris dans le jeu des acteurs ni à celui de nos propres préconceptions scientifiques. Ce retournement méthodologique dans la manière dont on fait l’histoire – au sens où on l’écrit mais également dans la conception même de la discipline, a été un apport particulièrement important dans l’élaboration d’un projet de recherche.

    Une autre intervention particulièrement enrichissante a été celle de Guillaume Carré, sur le thème suivant : « Des Japonais “plus rusés que jamais” : la Corée face à la menace japonaise, 1530-1590 ». Dans cette conférence, Guillaume Carré s’est livré à l’exercice complexe de suivre les routes maritimes entre Corée et Japon à la fin du XVIe siècle, mêlant commerce, contrebande et piraterie, autour desquelles se cristallisent les rivalités entre acteurs coréens et japonais, dans la périphérie de la Chine des Ming. À travers une histoire économique et technologique de cette aire maritime, Guillaume Carré a mis en avant la nécessité de dépasser la réification des acteurs à des identifications nationales anachroniques, pour leur préférer des approches plus fines, relevant quasiment de la micro-histoire. Cette nécessité de revenir au niveau des acteurs, afin de comprendre les différents rôles sociaux qu’ils endossent selon les situations sociales, appelle le chercheur ou la chercheuse en sciences sociales à analyser les comportements étudiés selon des catégories opérantes pour les acteurs eux-mêmes. Ainsi, un diplomate coréen, pourtant responsable devant la Chine des Ming faisant figure de suzerain dans les relations commerciales régionales, peut également contribuer aux puissants réseaux de contrebande maritimes, tenus par les pirates locaux. L’écueil d’une lecture téléologique de l’histoire enjoint souvent à vouloir tracer un fil rouge, clairement identifiable au milieu du flux d’information, de dégager un sens concret. Toutefois, dans une démarche de sciences sociales, il appartient à l’historien ou historienne de ne pas considérer les individus de manière unidimensionnelle, ou les institutions comme absolument surplombantes. Chaque agent a des cartes à jouer, en fonction bien sûr d’un contexte, d’une structure et d’une position donnée. Lorsque l’agent du gouvernement coréen décide de laisser passer une cargaison de contrebande, il met en jeu une certaine interprétation de la règle.

    La diversité des thématiques des interventions durant cette année de séminaire a ainsi été particulièrement enrichissante, non seulement en termes factuels pour le regard d’une néophyte des études japonaises, mais également du point de vue méthodologique et épistémologique. En effet, si la polyphonie des interventions ouvrait de très nombreuses perspectives quant aux recherches sur l’histoire du Japon, ces voix se rejoignaient bien souvent sur des impératifs de recherche centraux aux sciences sociales : la nécessaire interdisciplinarité, l’ancrage des recherches dans un terrain – archivistique ou archéologique –, la rupture avec les prénotions, la relecture des représentations à travers une analyse prenant comme objet d’étude les catégories opérantes pour les acteurs, et non les catégories scientifiques.

    Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 21 novembre 2018.

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