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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

L’enquête biographique dans l’étude des sciences. Vie et travail scientifiques

  • Anne Collinot, chargée de recherche au CNRS ( CAK )

    Cet enseignant est référent pour cette UE

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Lundi de 13 h à 15 h (Centre Alexandre-Koyré, 27 rue Damesme 75013 Paris), du 12 novembre 2018 au 11 février 2019

Le séminaire poursuit sa réflexion sur l’enquête biographique comme outil de connaissance pour l’étude des sciences. Nous continuons d’examiner spécifiquement le « mode de vie » savant, en le situant dans la catégorie des existences vouées aux savoirs, comme celles des lettrés, des érudits ou des scientifiques.

Le séminaire est construit autour du concept d’œuvre-travail. Cependant que toute enquête biographique porte en elle la question cruciale du rapport entre la vie et l’œuvre, il s’agit de mettre en lumière le chaînon important mais souvent oublié, qui attache étroitement l’œuvre à la vie : ce chaînon est le travail. Bien que nul n’ignore la place du travail acharné dans la vie du savant, et que les biographies scientifiques manquent rarement d’évoquer la ténacité et l’opiniâtreté comme les qualités indispensables des chercheurs, il est opportun d’examiner attentivement les aspects pratiques et ordinaires du travail et de l’acharnement. La notion de travail est entendue jusque dans sa dimension la plus intime, avec tout ce qu’il suppose de persévérance, de constance, d’effort continu, c’est-à-dire de discipline quotidienne. La gestion de l’emploi du temps, l’aménagement des lieux de résidence, les pratiques de sociabilité donnent à voir la vie scientifique comme une construction homogène et conséquente. Les difficultés – et les satisfactions – du travail intellectuel impliquent d’organiser sa vie d’une certaine manière, mais aussi de dérober du temps à la vie, c’est-à-dire de donner une forme singulière à l’ensemble de sa vie, faisant de celle-ci un outil essentiel de la production intellectuelle. En dirigeant l’éclairage sur cet ensemble de déterminants du travail intellectuel, décisifs et néanmoins rarement objectivés, nous visons non seulement à lever le voile sur certaines des conditions de possibilité de l’œuvre, mais aussi à enrichir l’enquête biographique.

Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire semestriel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire des sciences

Intitulés généraux :

Renseignements :

par courriel.

Direction de travaux d'étudiants :

sur rendez-vous.

Réception :

sur rendez-vous.

Niveau requis :

le séminaire est ouvert aux chercheurs, aux doctorants, aux étudiants en master.

Site web : http://www.koyre.cnrs.fr/

Adresse(s) électronique(s) de contact : anne.collinot(at)ehess.fr

Compte rendu

Depuis plusieurs années le séminaire poursuit la réflexion sur l’enquête biographique comme outil de connaissance pour l’étude des sciences. Nous avons continué d’examiner spécifiquement le « mode de vie » savant, en le situant dans la catégorie des existences vouées aux savoirs, comme celles des lettrés, des érudits ou des scientifiques. Pour l’année 2018-2019 le séminaire a été divisé en trois parties.

Dans la première partie, j’ai discuté le concept d’œuvre-travail, situé au cœur de mes recherches. Cependant que toute enquête biographique porte en elle la question cruciale du rapport entre la vie et l’œuvre, il s’agit de mettre en lumière le chaînon important mais souvent négligé, qui attache étroitement l’œuvre à la vie : ce chaînon est le travail. Bien que nul n’ignore la place du travail acharné dans la vie du savant, et que les biographies scientifiques manquent rarement d’évoquer la ténacité et l’opiniâtreté comme les qualités indispensables des chercheurs, il est opportun d’examiner attentivement les aspects pratiques et ordinaires du travail et de l’acharnement. La notion de travail est entendue jusque dans sa dimension la plus intime, avec tout ce qu’il suppose de persévérance, de constance, d’effort continu, c’est-à-dire de discipline quotidienne. Les difficultés – et les satisfactions – du travail intellectuel impliquent de donner une forme singulière à l’ensemble de sa vie, faisant de celle-ci un outil essentiel de la production intellectuelle. En dirigeant l’éclairage sur cet ensemble de déterminants du travail intellectuel, décisifs et néanmoins rarement objectivés, je vise non seulement à lever le voile sur certaines des conditions de possibilité de l’œuvre, mais aussi à enrichir l’enquête biographique.

Nous avons ainsi fait valoir une « niche » culturelle précise définies par des contraintes récurrentes, non-contextuelles du travail : les modalités pratiques, quotidiennes et ordinaires du travail que nous avons analysées dans cette première partie du séminaire sont générales et inscrites dans la longue durée ; en arrière-plan de l’étude de cas présentée dans la deuxième partie – la vie et le travail de Claude Lévi-Strauss – nous avons souligné la récurrence de ces contraintes en déployant un échantillon de protagonistes fameux du labeur érudit (Erasme, Buffon, Burnouf, Darwin, Durkheim, Frazer…).

Étude de cas : Claude Lévi-Strauss. À travers les détails de la quotidienneté, nous avons élucidé les aspects ordinaires du travail de l’anthropologue, tout en essayant de comprendre comment ceux-ci ont concouru non seulement à façonner un style de vie, mais surtout à faire de la vie du savant un instrument mis au service de sa production intellectuelle. Lévi-Strauss avait donné une forme singulière à son existence afin de produire son œuvre : l’organisation de son temps, l’aménagement de ses lieux de résidence, ses pratiques de sociabilité donnent à voir sa vie scientifique comme une construction homogène et conséquente.

On a montré combien la maîtrise de l’emploi du temps était importante pour parvenir à écrire les milliers de pages d’une trentaine de livres. Ce n’était pas tout. Comme d’autres savants avant lui (par exemple Charles Darwin, Émile Durkheim ou James Frazer), Claude Lévi-Strauss a eu le bonheur d’associer à sa vie une compagne qui avait très vite compris que le travail était une priorité. Le savant a puisé de grandes forces dans cette société conjugale. Plutôt que de se focaliser sur le rôle de l’épouse-de-savant nous avons exploré l’idée d’une micro-société, société dans la société, en fait une société construite sur mesure pour se défendre de la Société, perçue par le savant comme un collectif qui empêche de travailler sereinement et de se vouer à son œuvre. La troisième partie du séminaire a été consacrée à élucider les contours que peut revêtir une telle société destinée à servir la production intellectuelle. Ce peut être le couple, mais aussi la famille dans son ensemble, un cercle amical, un cénacle de disciples ou encore un groupe de collègues.

Le lundi 11 février 2019, nous avons invité Dalia Deias (doctorante à l’EHESS, Centre Alexandre-Koyré) à présenter une conférence intitulée « Familles et calculs dans un espace savant : l’Observatoire de Louis XIV au prisme de l’enquête biographique ». Cette communication se proposait de mettre en lumière l’entremêlement du travail et de la vie familiale dans les bâtiments de l’Observatoire royal au Grand Siècle, à partir du cas de Giovanni Domenico Cassini (1625-1712), fondateur de la dynastie d’astronomes qui occupa les lieux jusqu’au XIXe siècle.

 

Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 6 juillet 2018.

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